Aménager les berges : vive le végétal
Espaces naturels n°34 - avril 2011
André Evette
Chercheur. Unité écosystèmes montagnards Cemagref Grenoble
Paul Cavaillé
Chercheur. Unité écosystèmes montagnards Cemagref Grenoble
La richesse en biodiversité dépend du type d’ouvrage édifié pour protéger la berge. Résultat d’une étude sur les diversités taxonomiques rencontrées.
Aménager les berges d’un cours d’eau. Quel type d’ouvrage choisir ? En termes de biodiversité, l’enjeu est de taille. Entre terre et eau, les ripisylves présentent une très grande richesse floristique et faunistique. En accueillant les espèces circulantes, elles jouent un rôle majeur de corridors biologiques.
Les ouvrages de protection de berge font appel à différentes techniques. On distingue généralement les techniques de génie civil réalisées à l’aide de matériaux inertes (enrochements, béton…), les techniques de génie végétal utilisant des matériaux vivants (ligneux, herbacées), et les techniques qui combinent les deux types de matériaux.
Parmi les justifications données à l’utilisation de techniques de génie végétal plutôt que de génie civil : le fait, notamment, qu’elles permettent un meilleur retour vers un écosystème naturel et une meilleure continuité des corridors biologiques.
Les conditions de retour des espèces animales et végétales sur ces berges réaménagées sont méconnues. Menée sur quinze sites dans la région Rhône-Alpes, une étude a donc visé à quantifier les diversités taxonomiques animales et végétales existant sur des ouvrages de protection de berge. Elle distingue les ouvrages d’enrochements, ceux entièrement constitués de techniques de génie végétal, et les ouvrages mixtes. Les coléoptères ont été choisis comme indicateurs de faune, leur diversité étant fortement corrélée à celle de la végétation et des habitats.
Le protocole a consisté à comparer la diversité spécifique végétale et celle des genres de coléoptères aériens sur cinq ouvrages de chaque type. Leur diversité végétale a été échantillonnée suivant la méthode des points de contact sur trois transects parallèles à la berge. Les coléoptères ont été prélevés par piégeage passif dans la partie supérieure de la canopée. Les quinze sites échantillonnés se situaient à des altitudes comprises entre 250 et 500 mètres, et étaient âgés de 3 à 8 ans.
L’étude met en évidence que les aménagements de type minéral ont un nombre d’espèces végétales significativement inférieur à celui des deux autres types d’aménagement. De tels résultats étaient prévisibles : leur type de substrat est peu propice à la colonisation végétale. En revanche, on n’observe pas de différences significatives entre les aménagements de type végétal et mixte, même si le nombre d’espèces végétales est supérieur sur les derniers. Cela s’explique par le couvert moindre en saules sur les ouvrages mixtes lié à l’enrochement de pied de berge. Lequel, au contact de l’eau, constitue un nouvel habitat, différent de celui offert par la partie supérieure de la berge où les ligneux (saules) occupent une place prépondérante.
On observe ainsi, sur les ouvrages mixtes, des espèces inféodées aux milieux humides et des espèces de lisière ou de sous-bois et même des ligneux des zones alluviales. Les aménagements purement végétaux sont constitués avec des fascines de saule en pied de berge. Les branches de saules de ces fascines ont généralement une reprise et une croissance rapide, et leur port arbustif entraîne un couvert très dense qui ne favorise pas l’importation d’espèces végétales dans les strates inférieures.
Ainsi, malgré les enrochements de pied de berge a priori relativement hostiles à la colonisation végétale, les ouvrages mixtes permettent l’installation de différentes espèces dont des hélophytes adaptées aux milieux humides.
Cet avantage des ouvrages mixtes est à tempérer vis-à-vis de la diversité taxinomique des coléoptères. On observe en effet (certes avec des différences peu significatives) plus de genres de coléoptères volants dans les ouvrages purement végétaux que dans les ouvrages mixtes.
Les enrochements apparaissent comme un milieu pauvre pour la faune et flore. Les abondances taxinomiques sont systématiquement plus faibles que sur les ouvrages de génie végétal, que cela soit pour la diversité spécifique végétale ou pour le nombre moyen de genres de coléoptères circulant. Le recouvrement végétal y est bien moindre que sur les ouvrages de génie végétal et la végétation qui s’y déploie est différente, les espèces présentes ne sont pas spécifiques des milieux rivulaires. Ainsi, sur les six espèces les plus abondantes sur les enrochements, trois sont des espèces exotiques dont Buddleja davidii et Robinia pseudoacacia, et la fréquence de présence de ces espèces est significativement plus élevée sur les enrochements. En revanche, dans les ouvrages de génie végétal, si les espèces exotiques sont aussi présentes (dont la renouée du japon), aucune n’apparaît dans les six espèces les plus abondantes où l’on trouve principalement les saules et quelques graminées. Les ouvrages de génie végétal sont ainsi plus résistants à la colonisation par des espèces exotiques que les enrochements qui constituent des milieux pionniers et ouverts propices à leur développement.