Parc national des Cévennes

Un trésor est caché dans le rucher-tronc

 
Gestion patrimoniale

Jean Pierre Morvan
Directeur adjoint - Parc national des Cévennes

 

Patrimoine historique aussi beau que fonctionnel, le rucher-tronc cache aussi une abeille noire un peu particulière.

Les Cévennes abritent encore de nombreux ruchers-troncs. La plupart sont abandonnés, envahis par la végétation rudérale ou pillés par des promeneurs peu scrupuleux qui emportent les lauzes tabulaires les recouvrant. Quelques ruchers sont habités par des colonies d’abeilles, mais leur nombre ne cesse de régresser. Pourtant, conscients du trésor qui s’y cache, des apiculteurs passionnés veulent, avec l’aide du Parc national des Cévennes, maintenir ce mode d’élevage à côté de leurs ruches à cadre.
La redécouverte du patrimoine historique et biologique renfermé par les ruchers-troncs vient leur donner raison.
Témoins d’une architecture vernaculaire ancienne remarquable, la forme et la disposition à proximité des mas des ruches de châtaignier répondent d’abord à des exigences fonctionnelles. Dans Le Théâtre d’agriculture et mesnage des champs, ouvrage paru en 1600, l’Ardéchois Olivier de Serres mentionne déjà les ruches en tronc d’arbre évidé qui facilitent la double récolte du miel et de la cire, sans abîmer le couvain. Si aujourd’hui ces ruches n’apparaissent plus aussi fonctionnelles, leur esthétique demeure, qui interpelle notre imaginaire. Et nous, promeneurs, nous les découvrons comme autant de créations d’un land-art très ancien.

L’intérêt des ruchers-troncs réside également dans la biodiversité qu’ils abritent encore. Des travaux de recensement récents menés par le CNRS y ont démontré la présence de souches d’abeille noire lignée ouest-européenne (Apis mellifera mellifera) très pures.
Ces abeilles sont adaptées à un milieu rigoureux et produisent du miel sans apport extérieur de nourriture, sans transhumance.
Les colonies d’abeilles noires cévenoles ont été tenues à l’écart des processus de sélection. Elles auraient donc des caractéristiques génétiques de rusticité pouvant intéresser les apiculteurs professionnels souvent impuissants face à de toujours plus nombreuses agressions environnementales sur leurs élevages. On y verra-là d’ailleurs une illustration parmi d’autres de la valeur économique de la biodiversité et de la nécessité de sa préservation.