Recherche-action pour l'outre-mer
Outre-mer, il y a urgence à mieux connaître les écosystèmes aquatiques continentaux et marins.
Outre-mer, il y a urgence à mieux connaître les écosystèmes aquatiques continentaux et marins.
Autour de quels thèmes s'est organisée la recherche dans votre secteur en outre-mer ces dernières années ?
Nous travaillons surtout dans le cadre de la mise en oeuvre de la Directive cadre sur l'eau (DCE). Cette politique est très importante en outre-mer car les principaux textes européens essentiels pour la protection de la nature (directive Habitats-Faune-Flore, directive cadre pour le milieu marin) ne s’y appliquent pas et la mise en oeuvre de la DCE y a pris du retard. En effet, la première loi organisant la gestion de l’eau et des milieux aquatiques en France (1964) ne s’appliquait pas dans les DOM. Par ailleurs, les moyens humains et financiers alloués à la recherche sur l'eau et les milieux aquatiques y sont proportionnellement beaucoup moins élevés qu'en métropole. Ce qui, d'ailleurs, est très paradoxal étant donné que l'essentiel de la biodiversité nationale française se situe en outre-mer. D’un point de vue recherche et développement, il y a donc urgence à avancer sur les deux axes de la DCE : les méthodes d'évaluation de l'état des milieux et l’ingénierie écologique en soutien aux mesures de restauration pour la reconquête du bon état écologique. L'acquisition de connaissances sur les espèces et le fonctionnement des écosystèmes ultra-marins, mal connus, occupe une part importante des recherches sur l'eau, outre-mer, en particulier parce qu'au-delà du retard pris, les outils ne peuvent être les mêmes qu’en Europe continentale.
En quoi ces outils sont-ils particuliers en outre-mer ?
Les milieux sont très différents, citons, par exemple, la mangrove ou les récifs coralliens. Ces milieux ultracomplexes nous obligent à relever de véritables défis scientifiques pour tenter de définir des indicateurs de l’état et du fonctionnement de ces écosystèmes, et d'autres capables de rendre compte de l'efficacité des mesures de restauration. Malgré une très forte mobilisation de la communauté scientifique, force est de constater que nous avons encore beaucoup de travail à faire sur ce
terrain.
Par ailleurs, certaines espèces aquatiques sont très différentes de celles présentes en métropole. Par exemple, les poissons qui peuplent les rivières dans les îles sont presque tous des migrateurs amphihalins. Cela pose d’autres défis scientifiques pour la gestion, amplifiés par le fait que les prélèvements pour l'eau potable ont un fort impact sur la continuité écologique des cours d'eau. Outre-mer, hormis en Guyane, les captages importants génèrent en effet de fortes baisses de débit voire des assèchements de cours d’eau, préjudiciables à la survie des espèces. Nous réfléchissons donc, d’une part, à la définition des outils nécessaires pour déterminer les débits en dessous desquels il ne faut pas descendre pour préserver la vie aquatique, et d’autre part, à des procédés facilitant le franchissement par les poissons et les crustacés des obstacles générés par les installations de prélèvement d’eau.
Une autre problématique centrale réside en outre-mer dans le suivi (voire l’éradication) des espèces exotiques envahissantes, à l'image du poisson lion aux Antilles, qui s'est développé de façon phénoménale, après avoir été déversé accidentellement en mer des Caraïbes. Il faut bien comprendre qu'outre-mer les écosystèmes fonctionnent de façon très dynamique, du fait des conditions tropicales (températures élevées, absence de dormance hivernale, etc.). Il s'avère donc essentiel de repérer le plus tôt possible l'apparition d'une espèce envahissante. Par ailleurs, ce fort potentiel écologique des tropiques est aussi une opportunité pour la restauration.