« La nature en chantier »

Prenons-en de la graine

 

Espaces naturels n°11 - juillet 2005

Pédagogie - Animation

Guillaume Ollivier
Les blongios - La nature en chantiers

 

Sur fond d’aménagement du territoire, la renaturation de remblais routiers a donné lieu à un travail en partenariat où innovation, découvertes et vie interculturelle étaient au rendez-vous.

Ils sont penchés sur les talus, ils sont nombreux. Accroupis au ras du sol, leurs doigts agiles écartent les herbes. Huit semaines durant, ils reviennent, pas toujours les mêmes mais toujours aussi assidus… Ils ramassent des graines. Drôle d’idée !
Ceux qui œuvrent ainsi sur les pelouses de l’Audomarois sont tous des bénévoles de l’association « Les Blongios, la nature en chantiers ». Le sens de leur travail s’intitule « renaturation ».
En effet, alors que la ZNIEFF « Fond de Cormette » devait être traversée par une nouvelle rocade, la DDE du Pas-de-Calais décide d’intégrer un projet de renaturation dans le respect paysager de l’espace agricole traversé.
En 1998, la direction départementale
de l’équipement sollicite donc le Parc naturel régional de l’Audomarois, le Conservatoire botanique national de Bailleul (CBNBL) et l’association « Les Blongios » afin de reconstituer des pelouses calcicoles sur les remblais routiers calcaires de la rocade. Un chantier de récolte de graines est alors organisé. Un semencier (Carneau) est également associé aux fins de multiplication et d’ensemencement des graines récoltées.
Les étapes
Il convenait tout d’abord de rédiger le « Cahier des prescriptions de mise en œuvre » relatif à la récolte des semences.
En partenariat avec le Conservatoire botanique, le bureau d’études Osmose définit la nature et les objectifs des travaux, les périodes d’intervention, le profil et le nombre de ramasseurs. Il inventoria les espèces concernées et fixa les différentes étapes : des préparatifs jusqu’à la livraison des graines au semencier.
Pour parfaire cette préparation, le CBNBL arrêta ensuite le protocole de récolte relatif aux trois graminées et neuf légumineuses sélectionnées par l’étude. Les sites et dates de ramassage furent déterminés. Les grandes lignes peuvent se résumer ainsi : « Les graines récoltées sont typiques des pelouses calcicoles de l’Audomarois et proviennent de zones proches du lieu d’ensemencement afin de conserver les caractéristiques génétiques liées au substrat et au climat local. L’objectif du chantier est de ramasser 70 kg de graines, triées par espèces, avec le minimum d’éléments végétaux (tiges, feuilles…), chacune dans des quantités définies. »
L’étape de mise en œuvre pouvait alors
commencer !
Une des conditions cependant était de former les futurs coordinateurs du chantier, tous bénévoles. Ces novices en botanique connurent deux journées de formation où le CBNBL s’appliqua à les instruire à la reconnaissance des espèces et à l’estimation de leur degré de maturité.
Puis, à la théorie, succéda la pratique. Un premier week-end de « ramassage » initia les coordinateurs à la récolte de graines en fonction du protocole défini. Ainsi, pour chaque plante, une part déterminée de graines matures fut récoltée en fonction d’une méthode de cueillette lui étant propre.
À l’issue de ces formations, chaque coordinateur reçut un dossier synthétisant les caractéristiques morphologiques et la méthode de récolte des différentes espèces végétales.
Les coordinateurs étaient prêts à l’encadrement des volontaires… !
La création
d’un quadra mobile
Leur première mission fut la formation des volontaires : formation à la détermination des graines, formation à leur protocole de ramassage. Chacun reçut un kit de terrain composé de fiches synthétiques d’identification des espèces collectées et rappelant les principaux critères d’identification ainsi que les conditions de collecte.
Dans l’optique d’une démarche qualité, « Les Blongios » innovèrent. Ils créèrent un « quadra mobile » (grande croix en bois dont les extrémités sont reliées par une ficelle). Celui-ci permet de délimiter la zone de prospection et de recueillir la quantité définie de graines mûres à chaque passage. Disposés en ligne en bas de coteau et translatés progressivement vers le haut, ces « quadras » permirent une récolte minutieuse des graines.
Le chantier de ramassage s’organisa entre le 4 juillet et le 13 septembre 1998. Quatre sessions de deux semaines mobilisèrent cent quatre bénévoles internationaux, à raison d’une vingtaine de volontaires et de deux encadrants logistiques par session de chantier.
Durant ces huit semaines d’été, 16 kg de graines furent ramassés alors que, rappelons-le, l’objectif affiché était plus de quatre fois supérieur. L’écart entre les récoltes escomptées et effectives s’explique par une densité insuffisante des espèces sur les sites sélectionnés. On note alors toute l’importance de travailler avec un semencier. Ainsi, après un séchage et un tri graines/matière végétale, le semencier a multiplié (semées et récoltées) les graminées (fétuque de Lémane et brome dressé). Les autres espèces ont été conditionnées en chambre froide dans l’attente d’être semées.
Enfin et puisque l’on aborde le bilan, il faut insister sur le coût du projet (près de 25 000 euros). Un tel travail n’aurait pu avoir lieu sans l’implication de bénévoles. Ceux-ci témoignent de l’intérêt qu’ils ont pris à cette participation. Outre l’apprentissage des notions de botanique, la découverte des sites naturels, des techniques de multiplication et de séchage, le chantier routier… tout fut l’occasion d’ouverture, jusqu’à la vie d’un groupe interculturel.