Réseau Sagne

Impliquer les propriétaires

 

Espaces naturels n°11 - juillet 2005

Le Dossier

Jacques Thomas
Scop Sagne

 

Concernant les tourbières, l’une des principales menaces identifiées est l’a priori d’indifférence que suscite ce patrimoine aux yeux de ses propriétaires. Pourtant, la conservation des zones humides ne pouvait se contenter d’actions exemplaires menées sur quelques sites à forts enjeux. En réponse, la démarche du réseau Sagne consiste à proposer au propriétaire la visite d’un technicien du réseau, pour réaliser un diagnostic de son site et lui faire découvrir les intérêts patrimoniaux et fonctionnels de sa zone humide. Ensemble, ils bâtissent un plan de gestion adapté au site et aux moyens dont dispose le gestionnaire. Ce plan de gestion identifie les modalités d’entretien des parcelles, donne des conseils techniques et propose des travaux de restauration selon les enjeux identifiés. L’ensemble du plan de gestion est consigné dans un document qui, une fois validé par le gestionnaire ou le propriétaire, fait office de convention d’adhésion au réseau Sagne.

Assistance technique
Cette forme d’assistance technique est née en 2001 suite aux travaux du programme Life « Tourbières de Midi-Pyrénées ». Le Conservatoire régional des espaces naturels a alors souhaité démultiplier les acquis de ce programme en impliquant les propriétaires ou gestionnaires de zones tourbeuses.
L’essentiel consiste à établir une relation de confiance et d’échange entre le technicien du réseau et l’adhérent afin de valoriser ce patrimoine. L’adhérent est responsabilisé sur la gestion de son site. Il peut solliciter le technicien qui lui rend visite une fois par an. Pour le propriétaire ou l’exploitant d’une zone tourbeuse, adhérer c’est s’engager à mettre en œuvre des pratiques de gestion compatibles avec la préservation des zones humides.
Le service est gratuit, mais aussi désintéressé pour l’adhérent, puisqu’il ne reçoit pas d’aide financière pour l’entretien de son site.
Une expérience qui essaime
En Midi-Pyrénées, le réseau compte 33 adhérents qui gèrent 350 hectares de zones tourbeuses, ce qui représente près de 7 % des surfaces de zones tourbeuses connues dans la région. Parmi les adhérents, 37 % ne sont pas des exploitants agricoles (particuliers, collectivités locales). Jusqu’à présent, ce type de gestionnaires n’avait pas été la cible de programmes visant la conservation du patrimoine naturel.
Mais l’expérience essaime dans plusieurs régions, ainsi :
- espaces naturels d’Aquitaine a conclu un accord avec l’Agence de l’eau pour un programme, s‘étendant jusqu’en 2006 ; déjà 10 adhérents, gérant 86 hectares, ont bénéficié de ce service ;
- le Conservatoire départemental des sites lozériens a réalisé en 2004 un important travail de sensibilisation pour les tourbières de la Margeride, ce qui s’est concrétisé pour le moment par l’adhésion d’une commune et d’un agriculteur ;
- le Conservatoire des espaces et paysages d’Auvergne met en œuvre le Plan d’action régional en faveur des tourbières en s’appuyant sur ce dispositif dans le Cantal et une partie du Puy-de-Dôme ;
- le Conservatoire du Limousin, après avoir mené une étude de faisabilité avec l’appui du Cnasea 1, souhaite aussi mobiliser un réseau d’acteurs en faveur des landes et des tourbières ;
- enfin, l’Adasea 2 de l’Aveyron qui anime des programmes agri-environnementaux traditionnels, souhaiterait s’insérer dans ce nouveau dispositif d’assistance technique spécialisé.
Compléter la démarche
Des voies nouvelles sont encore à explorer pour assurer un meilleur service aux gestionnaires de tourbières. On peut citer : l’innovation en matière de techniques d’entretien ; la vulgarisation technique de bonne qualité auprès des adhérents ; les modalités d’accompagnement et la réalisation de travaux de restauration ou de gestion de sites ; la mobilisation des collectivités locales pour conserver ce patrimoine privé d’intérêt collectif.
La réflexion collective des animateurs des réseaux Sagne à l’échelle du bassin Adour-Garonne les amène à solliciter le renforcement des soutiens institutionnels, pour que leur action technique reçoive encore un meilleur écho.
Enfin, reste aussi à favoriser l’appropriation par les adhérents du réseau, et donc de l’outil qu’il constitue. À cette condition, l’assistance technique prendra sa véritable dimension de ressources et de compétences partagées par les gestionnaires eux-mêmes.

1. Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles.

2. Association départementale pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles.

3. Grosses touffes pouvant atteindre 1 m de hauteur. Résultat de la persistance, au cours des ans, de la souche et des feuilles basales sèches de certaines plantes herbacées.