>>> Mesures agri-environnementales en faveur des tourbières

« Armor nature »

 
Le Département passe convention avec les agriculteurs

Espaces naturels n°11 - juillet 2005

Le Dossier

Olivier Le Bihan
Conseil général des Côtes-d’Armor

 

Le Conseil général des Côtes-d’Armor a mis en place un dispositif de conventionnement destiné à maintenir dans un bon état de conservation les prairies et les landes humides ou tourbeuses. En échange du respect des pratiques de fauche et de pâturage, le Département rétribue les exploitants et les gestionnaires contractants.

Le sud-ouest du département des Côtes d’Armor possède un réseau dense de vallées humides. Ces ensembles constituent une vaste mosaïque de landes et de prairies tourbeuses qui offrent une importante diversité de milieux. Or, après avoir recensé ces espaces, le Département met en évidence qu’ils sont en danger. En effet, fortement imbriqués avec les parcelles agricoles en culture ou en prairie temporaire, ces milieux sont progressivement abandonnés. Ils présentent des contraintes d’exploitation majeures (hydromorphie, obstacles au sein des parcelles, éloignement vis-à-vis du siège d’exploitation…) entraînant l’arrêt des pratiques de gestion par fauche et pâturage. Cette évolution constitue une menace sérieuse pour leur conservation.
Cherchant à réagir, le Conseil général met alors en place en 2001 un dispositif de conventionnement avec les exploitants et les agriculteurs : « Armor nature ».
Une démarche territoriale
L’ensemble des exploitants possédant des parcelles remarquables dans le périmètre établi1 est alors contacté. Ils peuvent signer pour cinq ans une convention avec le Département. Cette convention les engage sur des modalités d’entretien, par fauche ou pâturage, définies par un cahier des charges. En échange, le Conseil général leur verse une indemnité compensatoire. Trois contrats, compatibles avec ceux rédigés dans le cadre des Contrats d’agriculture durable (CAD), sont déclinés en fonction de la nature des espaces gérés (prairies mésophiles naturelles, prairies oligotrophes à jonc acutiflore et landes tourbeuses à sphaignes et narthécie). Ces aides qui tiennent compte du niveau de contrainte de gestion rencontrée par les exploitants, sont comprises entre 49 et 168 euros/ha/an. Elles se justifient, entre autres, par le fait que la pression de pâturage sur les landes tourbeuses doit être faible sous peine de dégrader ces habitats fragiles. à titre de comparaison, la pression de pâturage annuelle est comprise entre 0,8 et 1,2 UGB/ha/an2 pour les prairies mésophiles, entre 0,6 et 1 pour les prairies humides ou tourbeuses et inférieure à 0,6 pour les landes tourbeuses.
Préalablement, une étude de pré-contractualisation comprenant une cartographie détaillée des habitats et de l’état de conservation du site ainsi qu’une évaluation des surfaces est effectuée.
Une fois le contrat signé, l’agriculteur n’est pas livré à lui-même. Le Département a mis en place un relais local. Cet organisme assure la mission de conseil technique, de suivi et de contrôle annuel. Il doit remettre chaque année au Département un rapport comprenant une cartographie détaillée des parcelles gérées, des modes de gestion pratiqués et des contraintes rencontrées. Le tout dans une relation de confiance mutuelle, dont il faut souligner qu’elle constitue la base de la réussite de cette convention. L’objectif consiste en effet, à dépasser l’unique fonction de contrôle pour élaborer un réel partenariat avec les exploitants gestionnaires.
À tout moment, l’exploitant peut résilier le contrat « Armor nature » et s’engager dans une démarche Contrat d’agriculture durable à l’échelle de son exploitation.
Enfin, pour évaluer l’impact des mesures, ces actions de gestion donnent lieu à des suivis scientifiques annuels (botaniques et entomologiques). Ainsi, depuis 2003, une étude portant sur l’impact des
différents modes de gestion sur les peuplements entomologiques des landes, des prairies et de mégaphorbiaies est lancée. Depuis 2001, dix sites sont conventionnés sur une superficie de 265 ha. Le potentiel de contractualisation s’élève à 1 500 ha de milieux à fort intérêt patrimonial. Et, si cet outil de gestion constitue une garantie de maintien de bonnes pratiques sur les milieux tourbeux ouverts, il permet également d’associer le monde agricole et environnemental sur le thème de la conservation des espaces naturels.

1. Le territoire de contractualisation est défini par rapport à une notion de site naturel à enjeux patrimoniaux forts.

2. L’UGB (Unité gros bétail) définit le chargement.