Quand cela est compatible avec la protection des espèces et des habitats, les espaces naturels remarquables sont ouverts au public ; des animateurs qualifiés et des outils innovants sensibilisent les visiteurs à la qualité des sites. Mais, si l’on songe que quasiment un tiers de la population française est « empêché », voire handicapé, la prise en compte de la diversité des publics ouvre une question fondamentale. Chaque gestionnaire d’espace naturel a l’obligation morale d’évaluer sa capacité à accueillir ces personnes en difficulté ; même si les possibilités sont restreintes ; même si le coût des actions spécifiques et le nombre de personnes directement concernées sont mis en opposition. C’est ainsi qu’est né un projet d’accueil des publics handicapés dans les réserves naturelles catalanes (Pyrénées-Orientales).
Le début de l’année 2007 a vu la réalisation d’une étude-inventaire des potentiels et faiblesses des différentes réserves naturelles ainsi qu’une évaluation de leurs capacités d’accueil. Sous forme de fiche par type de déficience, l’étude a analysé l’accessibilité des infrastructures et des itinéraires ainsi que l’adaptation potentielle des animations déjà proposées.
Sur la Réserve naturelle (RN) de Jujols par exemple, il est apparu que l’on peut facilement ouvrir les animations nature aux personnes sourdes en faisant intervenir un guide-interprète de la langue des signes. En revanche, l’accueil d’un public mal-voyant paraît inapproprié (sentiers avec des variations de pente, exposition essentiellement visuelle).
Cette étude a ensuite débouché sur un schéma fédéral de l’accueil des personnes handicapées (déficiences motrice, visuelle, auditive et mentale). Mis à disposition des gestionnaires, cet outil doit permettre l’orientation stratégique des actions susceptibles d’être mises en œuvre sur leur site. C’est ainsi que la RN de Mantet axe ses actions en direction d’un public à mobilité réduite.
Fort de cette réflexion préliminaire, huit projets d’animations expérimentaux ont été développés ; chacune des huit réserves naturelles devant tester l’accueil de l’un des quatre grands types de déficiences dans des conditions différentes. Ainsi, sur la RN de Nohèdes, des fauteuils tout terrain, prêtés par une association locale, ont permis d’organiser une animation à destination de personnes à mobilité réduite. Le test a été réalisé sur un des sentiers référencé par l’étude comme étant approprié à ce type de handicap.
Actuellement en cours, cette phase fait l’objet, sur chaque site, d’un travail de conception collective entre les animateurs des réserves, des publics handicapés volontaires et des professionnels de l’encadrement d’activités de pleine nature.
L’intérêt du projet réside dans le fait de privilégier des pratiques d’animation et des outils pédagogiques légers, susceptibles de constituer une alternative aux infrastructures lourdes. En effet, les budgets des réserves ne permettent pas toujours de réaliser des rampes d’accès coûteuses ou des expositions en braille. En revanche, il est facile de proposer à des déficients visuels des animations axées sur la reconnaissance des différentes roches ou de prévoir l’interprétation audio d’un sentier de découverte à l’aide d’un simple lecteur MP3. L’insertion du projet dans le tissu socio-économique local au travers d’un partenariat étroit avec des professionnels de l’accompagnement est une assurance de pérennité à moyen, voire long terme.
Une troisième phase du projet s’intéresse au transfert d’expérience afin de permettre à d’autres gestionnaires de s’engager dans cette démarche. Un dossier technique va prochainement être diffusé à l’échelle régionale. Il est constitué d’une charte et d’un ensemble d’éléments techniques et méthodologiques. L’idée ? Que cette problématique soit prise en compte par d’autres… au-delà des réserves.