Médecine de la conservation 

 

Espaces naturels n°23 - juillet 2008

Des mots pour le dire

Michel Gauthier-Clerc
Chercheur à la Tour du Valat, prépare avec Frédéric Thomas, chercheur au Gemi-CNRS à Montpellier, Écologie de la santé et conservation. Un ouvrage à paraître en 2009 aux éditions de Boeck.

 

Les changements globaux d’origine anthropique (modification des habitats, introduction d’espèces exotiques, élevages et cultures intensifs, changements climatiques, usages massifs de molécules, pesticides ou antibiotiques…) sont une des causes majeures de l’émergence ou de la réémergence de maladies. Dans leurs activités, les gestionnaires d’espaces naturels sont eux-mêmes confrontés à cette recrudescence des problèmes sanitaires. Soit parce que les activités humaines induisent des problèmes sur l’environnement (pollutions, utilisation de pesticides ou d’antiparasitaires, introduction de nouveaux pathogènes…), soit parce que l’environnement est une source de pathogènes. Ce fut le cas, par exemple, en France en 2005 lors des crises politiques de la grippe aviaire ou encore celles liées au virus West Nile en Camargue en 2000 et 2004.
Face à ces enjeux, une discipline, la « médecine de la conservation » ou « écologie de la santé et conservation » est née il y a une dizaine d’années. Elle consiste à comprendre les interactions entre la santé des espèces sauvages, celle de l’écosystème et la santé humaine. Elle associe pour ce faire des chercheurs en écologie, biologie de la conservation, épidémiologie, écotoxicologie, sociologie, économie, des professionnels de santé, animale et humaine, des gestionnaires d’espaces naturels et de parcs zoologiques.
L’état de santé d’un écosystème et de ses espèces est encore rarement mesuré par les gestionnaires alors qu’il serait un indicateur de menaces potentielles ou des conséquences de mesures de gestion.
Comment concilier une gestion ciblée sur un habitat ou une espèce, et l’apparition de maladies : par exemple la gestion de l’eau et l’apparition du botulisme ? Quelles sont les conséquences d’une démoustication sur les communautés de moustiques vecteurs et leurs communautés de parasites, comme les agents de la malaria chez les oiseaux sauvages ? Dans les programmes de réintroduction d’espèces, comment gérer l’introduction simultanée du cortège associé de parasites et ses conséquences ? Comment concilier le maintien des habitats par le pâturage bovin ou ovin, leurs parcours, leur infestation par des parasites et les maladies associées, les traitements antiparasitaires, et la conservation de l’entomofaune ? Quels sont les critères de décision pour la vaccination ou non d’espèces sauvages, par exemple la vaccination des renards contre la rage ou des lapins contre la maladie virale hémorragique ? Les réponses nécessitent des échanges et des travaux communs entre gestionnaires, scientifiques de la santé et de l’écologie, qui restent encore en grande partie à développer en France.