Méthodes-techniques

LIDAR : outil précis et opérationnel pour cartographier la forêt

 
Méthodes - Techniques

Jérôme Bock, pôle R&D – Innovation de l’ONF.
Alain Munoz, pôle R&D – Innovation de l’ONF.
Anne Jolly, pôle R&D – Innovation de l’ONF.

Le LIDAR (Light detection and ranging) ou laser aéroporté est une technique de télédétection qui permet l’acquisition de données tridimensionnelles à haute résolution. De quoi réaliser des cartographies aussi précises que des relevés terrain

En comparaison de la photo aérienne, l'image issue des données Lidar révèle les limites d'une ferme gallo-romaine ainsi que des impacts de bombes. Forêt domaniale de Haye. Photo 1 © BDOrtho IGN - Photo 2© ONF / INRA / DRAC

Le principe du LIDAR repose sur l'émission d'impulsions laser à très haute fréquence par un émetteur embarqué dans un vecteur aérien (avion, hélicoptère, ULM…). L’onde laser émise depuis l’avion est réfléchie par les différentes cibles rencontrées : feuilles, branches, troncs, sous-étage, sol. Un capteur embarqué dans l'avion enregistre le signal retour de l'onde lumineuse ainsi que le temps de retour qui permettent de déduire directement l'altitude de la cible. Le résultat est un nuage de points dont les coordonnées XYZ sont calculées en tenant compte de la position et de l’orientation de l’avion qui sont enregistrées en continu. Des traitements sont ensuite appliqués au nuage de points (classification et interpolation) pour distinguer les points du sol et ceux de la végétation.
 

Avec les points classés comme appartenant au sol, il est possible de modéliser très finement la topographie, à l'aide d'un Modèle numérique de terrain (MNT). Ces images du sol, d'une précision planimétrique et altimétrique d’une dizaine de centimètres, sont ensuite traitées et analysées, automatiquement ou à l'aide d'opérateurs, pour caractériser le milieu. Il est possible par exemple de réaliser des cartes d'exposition, de pente, d'ensoleillement, ou de digitaliser les vestiges archéologiques, les routes et les pistes.

Les points de la végétation peuvent être utilisés pour estimer et cartographier des paramètres forestiers. Pour cela, il est nécessaire de calibrer des modèles statistiques qui définissent les relations entre une variable à expliquer, représentée par un paramètre forestier mesuré sur des placettes installées sur le terrain.
Une chaîne de production permettant de conduire un projet LIDAR, de l’acquisition de données jusqu’à la cartographie pour le gestionnaire, a été mise au point à l'ONF grâce au partenariat avec d'autres organismes de recherche dans le cadre d’un projet financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR-Foresee). Il s’agit notamment de cahier des clauses techniques type, de procédures de réception de données, de protocoles de calibration et validation de modèle de prédiction de paramètres forestiers, de logiciel de traitement du nuage de points LIDAR pour la cartographie (Computree ©).

 

Ainsi, il est désormais possible de réaliser, de façon exhaustive sur l’ensemble d’une zone couverte au LIDAR, des cartes de hauteur dominante avec une erreur inférieure à 1m (soit l’erreur d’une mesure de terrain très précise). Ces cartes sont très utiles aux gestionnaires pour décrire les peuplements, prévoir et dimensionner le programme de travaux (coût pour la collectivité) ou plus particulièrement pour localiser les premières éclaircies. Il est alors possible d'optimiser les trajets permettant d’alimenter les chaufferies communales en bois-énergie. D’un point de vue écologique, la hauteur dominante, à un âge donné, est également un paramètre très corrélé à la fertilité des sols. Des études sont en cours avec l’INRA et la DRAC de Lorraine pour analyser les liens entre l’utilisation ancienne des sols et la fertilité actuelle des peuplements. En effet, une méthodologie permet, à partir du MNT LIDAR d’identifier, de vectoriser et de valider la présence de vestiges archéologiques préservés sous le couvert forestier. L’ONF poursuit les études sur d’autres paramètres utiles pour la gestion forestière. Sur de nombreuses zones de plaine et de montagne, des cartes de quantité de bois (surface terrière, volume, densité de gros bois) ont été établies avec des précisions sur chaque pixel allant de 15 à 25 % d’erreur. À l’échelle de la parcelle, les erreurs des moyennes des estimations LIDAR sont d’environ 10 à 15 %, ce qui est équivalent aux erreurs faites lors d’inventaire en plein, par pieds d’arbre. D’autres études sont en cours à l’ONF sur le LIDAR, couplé également à d’autres sources de télédétection, pour évaluer différentes applications forestières telles que la structure des peuplements, la détection des trouées, la perméabilité du couvert (qui peut être liée entre autre à l’état de santé des arbres), l’individualisation des couronnes d’arbre, la caractérisation des essences…

Si le LIDAR apparaît déjà comme un outil opérationnel très prometteur en gestion forestière, il existe néanmoins quelques réserves pour son utilisation. Le prix d’une acquisition LIDAR qui est de l’ordre de 2 à 10 €/ha selon les conditions de vol et les densités de points requises. Mais vu le nombre d’acteurs potentiellement intéressés, les coûts peuvent être optimisés pour la mutualisation des données dans le cadre d'acquisitions sur de grandes surfaces. C'est le cas notamment dans certaines régions européennes d'Allemagne, d'Autriche, d'Italie..., qui ont assuré la maîtrise d'ouvrage pour l'acquisition LIDAR sur de grandes surfaces. Les investissements publics ont ensuite été valorisés grâce à la mise à disposition de ces données pour l'ensemble des organismes chargés de l'aménagement du territoire.

Concernant les applications forestières, il convient bien entendu de rajouter à ce coût d'acquisition de la donnée brute, le temps nécessaire à la calibration, la validation des modèles de prédiction des paramètres forestiers et à leur application sur l'ensemble des surfaces couvertes au LIDAR pour disposer, in fine, d'une cartographie exhaustive. En effet, il n’existe pas, pour l’instant, de modèle générique permettant de caractériser la ressource forestière quels que soient le type de forêt, l’essence ou les paramètres de vol LIDAR. Cependant, il est possible de réduire le coût de tels dispositifs, si on réfléchit à l'installation de systèmes de placettes permanentes servant, à la fois, à l'inventaire ou au suivi des écosystèmes forestiers et à la calibration ou la validation des modèles de prédiction des paramètres forestiers.