>>> Espèces végétales

Les échanges génétiques ne sont pas toujours préjudiciables mais…

 
Le Dossier

Roselyne Lumaret
Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive CNRS Montpellier

 

Introduction, réintroduction, renforcement de populations… Que se passe-t-il quand les espèces végétales introduites ne sont pas strictement issues des espèces locales ?

Le problème génétique est posé. En effet, les introductions peuvent provoquer des occasions d’hybridations et d’introgression génétique. C’est-à-dire une dispersion naturelle des gènes, entre plantes introduites et plantes indigènes.
Elles entraînent alors de profondes modifications de la structure génétique des espèces, pouvant aller jusqu’au remplacement d’un type de matériel végétal par un autre.
Le processus qui conduit à la modification du patrimoine génétique de l’espèce locale est progressif. Après l’hybridation entre les deux espèces, suivie soit de croisement entre hybrides, soit de croisement en retour entre ces hybrides et les formes autochtones, on aboutit à la création de nouveaux végétaux. Proches de l’une des espèces parentales pour certains caractères, ceux-ci peuvent également conserver une partie du génome de l’autre espèce.
La détection des introgressions génétiques s’opère souvent à partir d’observations morphologiques qui révèlent l’existence de plantes « intermédiaires ». Cependant, cette observation est insuffisante, notamment dès qu’il s’agit d’entités apparentées.
L’introgression doit alors être confirmée par l’utilisation de marqueurs diagnostiques.
Un variant de l’ADN, par exemple, ou encore une enzyme précise peut servir de marqueur. En revanche, pour être considéré comme tel, l’allèle doit être présent en fréquence importante (> 50%) dans une espèce et absent dans l’autre.
Quelques problèmes majeurs
D’une manière générale, les introgressions génétiques se maintiennent d’autant plus longtemps, que les gènes spécifiant les caractères sont peu soumis aux pressions de sélection. On peut ainsi observer, pour la plupart des caractères morphologiques, un certain retour vers les formes parentales, le plus souvent à la forme locale.
En revanche, concernant les caractères beaucoup plus neutres, les plantes provenant de l’hybridation conservent des parties de génomes provenant des plantes introduites. Une longue durée de vie favorise également le maintien des introgressions génétiques sur de longues périodes.
Mais les échanges génétiques ne sont pas toujours préjudiciables. Ainsi, dans le cas de populations isolées et affectées par une dépression consanguine, le flux de gênes entre plantes locales et introduites peut contribuer à renforcer génétiquement les populations locales et concourir à leur expansion.
Cependant, les introgressions génétiques entre espèces locales et introduites peuvent être à l’origine de problèmes majeurs. C’est le cas lorsque les introductions ont lieu dans des milieux représentant de fortes contraintes écologiques (parfois des milieux extrêmes), la haute montagne par exemple 1 ou encore certains milieux très humides, salés ou au climat méditerranéen très prononcé. Dans ces milieux, les populations subissent des pressions de sélections très importantes. Elles se maintiennent grâce à des adaptations génétiques.
L’introduction de matériel végétal allochtone qui, le plus souvent, n’a pas subi les mêmes modifications adaptatives, contribue à créer des individus génétiquement déséquilibrés et mal adaptés aux conditions locales. Dans certains cas, les effets néfastes peuvent perdurer sur de très longues périodes.
Pour éviter ces inconvénients, une connaissance de base des principales caractéristiques biologiques des populations autochtones d’espèces identiques ou proches de celles introduites est nécessaire. Dans la mesure du possible, un matériel végétal proche génétiquement du matériel autochtone ou présentant au moins des caractéristiques adaptatives analogues doit être choisi.

1. C’est un problème qui se pose notamment, lors du réengazonnement des pistes de ski.