>>> Réintroductions végétales

Éléments de méthode

 
Le Dossier

Annie Aboucaya
Botaniste Conservatoire botanique national méditerranéen

 

Les programmes de réintroduction sont presque exclusivement réservés aux espèces endémiques, sinon aux espèces rares sur l’ensemble de leur aire de répartition. Dans quelques cas, on s’intéressera à des végétaux peu fréquents au niveau national voire régional : espèces emblématiques, population isolée présentant une originalité génétique. La phase de diagnostic doit être réalisée de façon scientifique, argumentée, dans un contexte dépassionné.

Destinées à la conservation des plantes menacées de disparition, les opérations de réintroduction peuvent s’avérer coûteuses. Il est donc absolument nécessaire de se poser au préalable des questions concernant l’objectif réel, l’indigénat 1 de la plante et la faisabilité de l’opération.
Grandes lignes méthodologiques
- Anticiper : ne pas attendre les situations catastrophe. Généralement, lorsque l’on peut compter l’effectif d’une plante, ce n’est pas très encourageant !
- Établir un diagnostic complet sur la plante : génétique, écologie, biologie de la reproduction, chorologie mondiale, nationale, causes de la régression. Choisir le type d’opération le plus adapté à la situation.
- Pour chaque étape, prendre l’avis de personnes-ressources reconnues : botanistes, biologistes, comité scientifique, Conservatoire botanique national le plus proche.
- Programmer : de la conception à l’implantation (attention à la réaliser à l’époque optimale !), un tel programme prend en moyenne deux ans, en raison des études complémentaires à réaliser, de la recherche du matériel végétal le plus approprié, des délais administratifs…
- Respecter des principes déontologiques. On doit mettre toutes les chances de son côté pour la réussite du programme tout en nuisant le moins possible au milieu. Le matériel végétal implanté doit être originaire de la localité même ou, à défaut, d’un site très proche d’un point de vue géographique et écologique. Le site d’accueil doit bénéficier d’une protection foncière ou au moins d’une convention de gestion. Dans le cas d’une réintroduction, l’opération ne doit pas perturber le milieu d’implantation, ni mettre en danger d’autres espèces. Si la plantation assure une visualisation plus immédiate de l’impact de l’action, le semis permet d’éviter les lâchers involontaires d’autres espèces éventuellement véhiculées dans la motte. Un suivi d’au moins cinq ans est nécessaire après l’implantation
(à budgéter !).
- Respecter la réglementation : toute implantation en nature d’espèce protégée par la loi (arrêtés interministériels national et régionaux) doit faire au préalable l’objet d’une demande d’autorisation argumentée transmise par la préfecture de département et la Diren au ministère de l’Écologie et du Développement durable. La fourniture du matériel végétal (par récoltes, éventuellement par cultures) devra être réalisée par un Conservatoire botanique national. Dans un espace naturel protégé, il faudra d’abord solliciter l’accord de sa direction. Ces étapes permettent en plus de mettre en mémoire les opérations afin d’éviter tout brouillage de la répartition naturelle de l’espèce.
Bilan
Le bilan est souvent difficile à dresser en raison du fréquent manque de recul (que représentent quelques années de surveillance par rapport à la durée potentielle de dormance des semences dans le sol ?) et de moyens pour le suivi (temps, protocole, quels critères d’échec ?). Les résultats sont très variables suivant les espèces. Les échecs apparents constatés semblent souvent liés à l’implantation d’un effectif trop faible, insuffisant pour installer une banque de semences indispensable à la pérennité de la population implantée. On peut évoquer aussi une inadéquation des milieux choisis.
La restauration de biotope apparaît comme une étape à privilégier pendant plusieurs années avec un suivi, avant d’envisager d’autres actions en cas d’échec avéré. Engagée à temps, elle peut suffire à retrouver des effectifs suffisants avec des interventions moins onéreuses. Dans le cadre de programmes globaux de conservation de l’espèce, on donnera la priorité à la protection des populations encore en état, mais également à une intensification des prospections botaniques qui permettent parfois la redécouverte de plantes présumées disparues.

1. Le lieu dont elle est indigène.