>>> Le retour du saumon dans le Rhin

Deux expos pour une appropriation collective

 
Le Dossier

Philippe Knibiely
Réserve naturelle de la Petite Camargue alsacienne

 

Pour sauver le saumon, il faut équiper les barrages du Rhin de passes à poissons. Pour cela, il faut convaincre. Éduquer, informer, faire adhérer… telle fut la stratégie menée par les acteurs du Rhin dont l’association « Petite Camargue alsacienne », qui a construit deux expositions accueillant le public.

En 1982, aux portes de Bâle, la Petite Camargue alsacienne et la Réserve naturelle du même nom voient le jour. Elles bordent la pisciculture impériale de Huningue, bâtie en 1852 suite à la découverte, par le professeur Coste, de la technique artificielle de reproduction des salmonidés. En période de reproduction, chaque saumon pêché dans le Rhin devait être expurgé des œufs et de la laitance afin de le reproduire. Cependant, malgré les efforts déployés, le sauvetage du saumon échouera : on avait pensé aux conséquences, mais pas aux causes de sa disparition !
Il n’est pas trop tard pour bien faire
Un siècle plus tard, les conditions étant réunies, l’association « Saumon Rhin » fait appel à cette pisciculture pour contribuer au retour du saumon. C’est un défi ! Dans le cadre de ce programme, la pisciculture élève près de 500 000 poissons par an. Elle devient, avec la pisciculture fédérale d’Obenheim, un acteur central.
L’expérience est une réussite, le poisson remonte et se retrouve bloqué. L’enthousiasme naît et la plus grande passe à poissons d’Europe est édifiée à Iffezheim (300 mètres de longueur, 37 bassins, 11 mètres de dénivelé).
Devant le succès rencontré par Iffezheim, la seconde passe est en construction à Gambsheim. Mais, pour accompagner et expliquer ces démarche,s il est indispensable d’associer et d’informer étroitement les acteurs du fleuve et les populations locales. La dynamique collective est alors lancée.
La sensibilisation du public
Dès 1990, un plan d’interprétation est établi sur le site de la pisciculture de la Petite Camargue alsacienne en partenariat avec l’Aten. Aujourd’hui, deux expositions permanentes 1 expliquent les conséquences de l’aménagement du fleuve sur les milieux ainsi que l’histoire de la pisciculture impériale.
• « Mémoire du Rhin » évoque les liens immémoriaux entre le fleuve et les Hommes qui ont vécu près de lui, et toute la diversité du patrimoine naturel qui lui est associé.
• « Mémoire de Saumon 2 » met en scène l’histoire du saumon dans le Rhin et le rôle que l’espèce joue dans la fonctionnalité des écosystèmes.
Les deux expositions sont conçues de manière très différente quant au style de la mise en espace : lumineuse, suggestive, bon enfant pour la première (tentures flottantes, volets de bois à manipuler pour obtenir des réponses) ; plus dense, éclairages et couleurs concentrés par l’absence de lumière naturelle, circulations inattendues et mouvement effectif de l’eau dans l’espace pour la seconde, plus volontairement didactique.
La population découvre également le coût des mesures de réparation et la nécessité d’appliquer le principe de précaution. Une glace sans tain donne une vue sur le bâtiment de production des alevins et le travail des pisciculteurs. L’exposition fait aussi le point sur le retour des migrateurs amphihalins.
Les difficultés ne sont pas occultées et « Mémoire de saumon » pointe les défis qui restent à relever (la reproduction naturelle dans des frayères accessibles, la réalimentation en charge solide du fleuve, les prélèvements en mer sur les zones de grossissement ou lors des remontées…).
Parallèlement, un programme de sensibilisation des publics est effectué à la passe à poissons franco-allemande d’Iffezheim par « Saumon Rhin ». Les visiteurs viennent découvrir l’ouvrage et constater son fonctionnement. Devant le succès rencontré, la deuxième passe, en cours d’aménagement à Gambsheim, intégrera un volet pédagogique important.
L’appropriation de l’opération par les populations locales à l’échelle de la région est garante de sa pérennité : en faisant la preuve que le retour des poissons migrateurs est possible, en investissant massivement et de concert, les acteurs nationaux, européens et locaux ont fait naître d’autres initiatives (Life Rhin vivant…). Aujourd’hui la curiosité et le plaisir ont ramené les
visiteurs sur le fleuve.

1. Réalisées par les scénographes Guy Brun et Frey Gobyn.
2. Financée par les collectivités locales, la Fondation EDF, en partenariat avec Réserves naturelles de France.