C’est indispensable

Inscrire les corridors dans la Charte

 
La parole à Laurent Godé
Le Dossier

Laurent Godé
Parc naturel régional de Lorraine.

 

Le projet de TGV coupe le territoire du Parc en deux. C’est un sacré coup pour la connectivité des milieux…
Lors de l’implantation du TGV, nous aurions dû pouvoir argumenter auprès du maître d’ouvrage mais nous avons terriblement manqué d’arguments scientifiques. Deux exceptions seulement confirment la règle : nous connaissions assez finement le mouvement des amphibiens dans le massif forestier et nous avons pu convaincre du bien-fondé de l’aménagement de batracoducs, quant aux passages pour le grand gibier, ils résultent du travail accompli par la fédération de chasse locale. En revanche, nous n’avons pas réussi à argumenter en termes de rupture globale de la continuité des habitats. De plus, nous n’avions pas fait référence, explicitement, à la notion de corridors écologiques dans la charte du Parc. Ils n’ont jamais été cartographiés ni indexés à cette charte.
Des études préalables de l’autre tronçon du TGV vont bientôt débuter, êtes-vous toujours aussi démunis ?
Depuis, nous sommes dotés d’un atlas communal du Parc : chaque commune est cartographiée. Tous les milieux naturels et toutes les espèces remarquables sont répertoriés. Nous sommes en train d’agglomérer ces données afin qu’apparaissent tous les réseaux de corridors. Nous avons travaillé à la fois sur les milieux, afin d’identifier les continuités, et sur les espèces. C’est d’ailleurs sur la localisation des espèces qu’il nous reste le plus de travail. Pour les continuums, c’est plus facile : une photo satellite permet d’analyser les réseaux. En revanche, la localisation des espèces demande du suivi.
Il faut connaître l’écologie de l’espèce…
Oui. Savoir, par exemple, que la rainette verte peut se déplacer de quatre kilomètres dans une saison pour coloniser un milieu va nous permettre de repérer des mares de reproduction. Ainsi, s’il existe une mare isolée à plus de cinq kilomètres, nous envisageons de recréer une mare intermédiaire. Régulièrement, nous faisons des relevés pour vérifier la présence de telle ou telle espèce à tel ou tel endroit.
Pourquoi inscrire les corridors dans la charte du Parc ?
Les documents d’urbanisme doivent être compatibles avec la charte. Si la nôtre avait fait état des corridors, le tracé du TGV aurait été précédé d’une étude d’impact sur cet aspect. Ce ne fut pas le cas. C’est pourquoi nous avons prévu d’intégrer la cartographie dans la charte. La méthodologie que nous mettons au point avec la Fédération des Parcs inclut une validation par les comités scientifiques régionaux, l’État, la Région… Cette officialisation scientifique et institutionnelle est destinée à acquérir une reconnaissance autour de laquelle il sera possible d’argumenter.

Recueillis par Moune Poli