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Course de fond pour l’apron

 
Trente ans que la mobilisation ne faiblit pas
Gestion patrimoniale

Marion Langon
Cren Rhône-Alpes

 

Toute action de sauvegarde d’une espèce est, nécessairement, une course de fond. Longueur de temps et partenariats multiples apparaissent comme les ingrédients de base. « Sprinter s’abstenir » pourrait-on dire, pour poursuivre l’image. L’opération, ou plutôt les opérations menées en faveur de l’apron n’échappent pas à l’adage. Et si, aujourd’hui, l’espèce a quelques chances de survie, il faut retenir qu’elles résultent d’un très long processus qui démarre vers 1975 et nécessite une mobilisation tenace d’acteurs d’horizons divers. Qu’on en juge : il aura tout d’abord fallu que quelques passionnés, alertés par la régression de l’espèce, choisissent d’accumuler les connaissances sur ce petit poisson discret et endémique du bassin du Rhône. Malgré leur assiduité, ces années se révèlent particulièrement difficiles tant les effectifs d’aprons sont faibles et dispersés. Cependant, cette étape s’avère déterminante pour l’action future.
En 1984, c’est la SRAE Rhône-Alpes (qui est aujourd’hui devenue Diren) qui se mobilise en réalisant, avec le concours du Muséum d’histoire naturelle et de scientifiques, la synthèse des connaissances. Cette deuxième phase de l’action se ramifie alors, et avec le concours des équipes du Conseil supérieur de la pêche (CSP), elle aboutit à l’initiation d’études complémentaires. Analyses génétiques, essais d’élevage, tests de méthodes de prospection adaptées à ce poisson et recherche de populations avec les équipes du Conseil supérieur de la pêche (CSP) sont ainsi réalisés. Nous en sommes toujours aux études.
Mais en 1998, Réserves naturelles de France entre en piste en portant le premier Life nature. Celui-ci se révèlera être une étape décisive. En effet, les moyens engagés permettent d’identifier les causes de régression de l’espèce (la destruction de ses habitats et le cloisonnement des milieux) et d’établir une stratégie pour sa conservation. Le CSP assure ensuite le relais et construit un nouveau projet européen axé sur la gestion des milieux et le suivi des populations.
C’est ainsi qu’en 2004, le Conservatoire régional des espaces naturels en Rhône-Alpes mettra en place le second programme Life nature (Life apron II). Le programme débouche, entre autres, sur la construction de passes à poissons sur la Drôme, la Loue et l’Ardèche ; ou encore sur des opérations pilotes de réintroduction.
Sur le volet information et sensibilisation du public, d’autres acteurs ont également joué un rôle essentiel. Il en est ainsi de la communauté scientifique qui, dans un premier temps, a tiré la sonnette d’alarme auprès des institutionnels. Elle a exprimé clairement ses inquiétudes sur les risques de perte de l’espèce. C’est d’ailleurs pour cette raison que le premier programme Life nature a pu construire une vraie stratégie de conservation. Notons que, dans cette même optique, le Life apron II s’applique à sensibiliser le grand public et les
gestionnaires de cours d’eau. Certes, ce volet du programme facilite la prise de conscience individuelle, mais il vise également à éviter que des mesures contre-productives ne soient prises dans l’ignorance de leurs conséquences potentiellement négatives.
Course de fond, disions-nous en introduction. Il serait d’ailleurs illusoire de croire qu’un tel programme puisse atteindre ses objectifs en cinq ans. Après trente ans de mobilisation, il faut encore poursuivre et travailler notamment sur la restauration de la continuité des habitats fluviaux ainsi que sur le fonctionnement de l’observatoire. C’est pourquoi la coordination du Life apron II s’intéresse à l’après. Elle recherche des appuis auprès des acteurs techniques, financiers et institutionnels (collectivités, services de l’État, établissements publics…) afin qu’ils intègrent dans leurs actions la poursuite de l’objectif de conservation et de restauration des rivières dont l’emblème… est l’apron.