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Le mécénat comme levier de management

 
Le Dossier

Olivier Lemaître
Réserves naturelles de France

 

Aussi surprenant que cela puisse paraître, le partenariat que nous entretenons, depuis quinze années maintenant, avec la fondation EDF joue, en quelque sorte, un rôle d’outil de management en direction des Réserves naturelles locales. Il est vrai que nous œuvrons dans un contexte particulier : Réserves naturelles de France (RNF) contracte directement avec le mécène mais ce sont les Réserves locales qui bénéficient des financements1. Chaque Réserve peut ainsi proposer un projet. Après avoir pris l’avis des délégations régionales d’EDF et du conseil d’administration de RNF, les deux partenaires se rencontrent et décident, ensemble, des projets aidés. Ainsi présenté, on pourrait penser qu’RNF n’est qu’une courroie de transmission et que cette organisation permet juste aux Réserves locales de profiter de fonds qu’elles n’atteindraient peut-être pas seules.
En réalité, les choses sont plus complexes. Car la sélection des projets s’effectue en fonction de critères décidés par les deux partenaires. C’est là que le mécénat devient un outil de management du réseau.
Nous conventionnons pour trois ans autour d’un thème précis. En ce moment par exemple, nous appuyons les projets visant à améliorer l’accueil des publics et notamment des publics handicapés. C’est là, pour nous, une manière d’orienter les projets des Réserves. En effet, la possibilité d’obtenir une aide pousse certains gestionnaires à intégrer la thématique ciblée dans leur projet. Et ceci d’autant plus qu’ils prennent connaissance d’autres projets réussis, réalisés dans d’autres Réserves naturelles. Très concrètement, cela se décline autour de réalisations telles la mise en place d’un sentier ou l’édition d’une plaquette…
Le choix de telles orientations est loin d’être une évidence. Les mécènes préfèrent souvent financer quelques projets importants, beaucoup plus lisibles en matière de communication qu’une somme de petits projets. Pour convaincre la fondation EDF, RNF a joué la carte du réseau national. Une affichage diffus sur l’ensemble du territoire permet de toucher plus de monde. Mais les choses ne sont pas acquises pour toujours. Il faudra certainement convaincre, encore, pour défendre ce parti pris.
Un autre constat intéressant est l’effet de levier créé par le soutien de notre partenariat : le mécénat permet au gestionnaire d’apporter une part de financements privés suffisante pour accéder aux aides publiques. Mais cet effet va parfois plus loin : le fait qu’EDF, grande entreprise nationale, accepte de participer au financement, crédibilise le projet et son porteur aux yeux des partenaires publics locaux. Rarement évoqué, cet aspect donne un autre regard sur le fait que le mécène utilise l’image des espaces naturels.
Ceci dit, une question peut se poser : celle de l’éventuelle dépendance au mécène. Différents critères permettent de s’en prémunir. Le financement s’inscrit toujours dans le cadre d’un projet ponctuel (limité à 36 mois au maximum) et dans la limite de plafonds d’aides précis (en termes de montant et de taux d’aide). Par ailleurs, la part de fonctionnement prise en compte dans le montage d’un projet est soigneusement examinée : le partenariat ne doit pas financer des missions ordinaires de la Réserve (la garderie par exemple), lesquelles doivent être pris en charge par l’autorité de classement. Il n’est pas envisageable, non plus, que le projet ait pour objectif principal d’assurer le maintien de postes. Cela dit, la vigilance s’impose. Imaginons que, demain, nous choisissions les suivis scientifiques pour thème de convention de partenariat. On ne pourrait pas reprocher aux gestionnaires de conduire des études en interne. Cela reviendrait alors à financer l’emploi. Comme quoi, un risque existe... .

1. Cela vaut pour les deux tiers du fonds de ce mécénat (152 500 euros par an), l’autre tiers étant consacré à des projets nationaux et à la gestion du partenariat.