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Les mécènes peuvent être experts

 
Le Dossier

Jean-Baptiste Milcamps
Parc national de Port-Cros

 

La gestion d’espaces naturels fait appel à nombreuses compétences. Ainsi, au-delà du cœur de métier tourné vers des problématiques écologiques, les gestionnaires butent très souvent sur des domaines d’expertise absents de leurs ressources internes. Le Parc national de Port-Cros a sollicité des mécènes afin qu’ils mettent leur compétence technique à disposition.

Le premier contact avec la Screg, entreprise de travaux publics du groupe Colas, s’est fait à l’occasion de l’organisation d’une régate annuelle à Porquerolles. Au-delà de l’événement nautique, l’idée d’un partenariat entre les structures est venue spontanément pour résoudre des questions techniques posées au sein du territoire. En effet, le Parc assure l’entretien de la quasi-totalité du réseau de pistes et sentiers de l’île de Porquerolles. Mais à la périphérie du village, certaines de ces voies, non stabilisées, souffrent d’une fréquentation intense par des véhicules, et pâtissent également de l’érosion occasionnée par les pluies. L’été, la poussière soulevée par les véhicules incommode riverains et visiteurs.
Les responsables de la société mécène ont alors accepté un pari difficile.
En effet, outre le fait que la technique de traitement des pistes doit être écologiquement conforme, le traitement doit s’interroger sur l’apport d’agrégats calcaires exogènes dans un environnement siliceux ; les liants doivent être chimiquement neutres, la colorimétrie garantir une bonne intégration paysagère, la tenue dans le temps doit être satisfaisante et la mise en œuvre doit, techniquement et économiquement, être supportable dans une île.
Les techniciens de l’entreprise se sont déplacés sur le site, ils ont réuni échantillons, levés topographiques, photographiques, granulométriques. Ils sont en pleine réflexion – vous avez dit partenariat d’expertise ?
D’autres expériences ont été menées selon la même logique telle la restauration d’un ancien moulin à vent qui domine le village de Porquerolles et dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par le Parc. Ce projet est par ailleurs soutenu par la compagnie de transport maritime TLV-TVM qui assure gratuitement le passage des matériaux nécessaires aux travaux.
Un spécialiste autodidacte des moulins provençaux, M. Ribis, animateur d’une association locale, a, par son enthousiasme, contribué à faire émerger le projet et, par son expertise, à confirmer sa faisabilité. Par ailleurs au-delà du projet de restauration lui-même, il assurera une formation bénévole pour l’équipe chargée de la conduite du moulin. La mise en fonctionnement, dans les conditions d’une météorologie fluctuante telle que celle de l’île de Porquerolles suppose une très bonne maîtrise et la coordination d’une équipe qui peut compter jusqu’à six personnes quand elle est constituée de néophytes. Un moulin se gère comme un voilier, avec le sens de l’anticipation et une attention
permanente. Meunier tu dors… ton moulin va trop fort…
Voilà quinze ans aussi que le Parc et la fondation Total pour la biodiversité et la mer travaillent en partenariat. À plusieurs reprises, celui-ci a pris la forme d’un partenariat d’expertise. Un ingénieur hydraulicien, détaché par le groupe, a largement participé à la rédaction du cahier des charges pour l’installation de la pompe de relevage des eaux des salins d’Hyères. Outre les contraintes de hauteur et de débit qui devaient permettre une évacuation des eaux excédentaires, ce dispositif devait assurer le retour vers la mer de toute l’ichtyo-faune associée à l’étang des Pesquiers. Puissances motrices, sécurités, tenue des matériaux, fiabilité, spécifications techniques, coûts, cette contribution technique a été – pour une large part – garante du succès de l’opération. Dernier en date des partenariats d’expertise, le Parc national de Port-Cros sera doté en 2007 d’un plan d’intervention en cas de pollution par hydrocarbure localisée dans les eaux du Parc. Ce plan sera réalisé gracieusement par Bernard Tramier, le responsable de la fondation et par ailleurs président du Cedre1 pendant douze ans. Celui-ci travaille également avec le Parc au choix des moyens et des techniques nécessaires pour éviter les dommages d’une éventuelle pollution sur les écosystèmes littoraux et les espèces marines du Parc. S’adjoindre le spécialiste de la prévention des risques industriels et environnementaux, le Parc pouvait-il attendre une meilleure expertise dans ce domaine ? Le premier pas vers la compétence, c’est d’admettre ses propres incompétences. Cherchons-les, hors des sentiers battus, là où elles sont !

1. Centre de documentation, de recherche et d’expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux.