Depuis quinze ans, le Conservatoire du littoral a acquis une longue pratique du mécénat. Pourtant, aujourd’hui, vous dites qu’il est temps de se professionnaliser. Pourquoi changer ? Pourquoi maintenant ?
Le Conservatoire a acquis un savoir-faire relatif à la mise en place et à la conduite de projets de mécénat. Nous avons d’ailleurs des mécènes très fidèles. Mais nous devons introduire de la rigueur dans notre manière de faire. Tout d’abord parce que nos mécènes évoluent. Ils s’améliorent. Les entreprises répondent de manière de plus en plus performante et évaluent leurs résultats. Les agences de notation, par exemple, prennent en compte les politiques de développement durable des entreprises. Leur niveau de responsabilité sociale est évalué selon des critères sociaux et environnementaux. Les entreprises veulent donc être irréprochables dans leur manière de conduire le mécénat et nous sommes donc obligés, nous aussi, de nous professionnaliser. D’autant que le mécénat est amené à se développer. Notre tutelle, l’État, nous a fait un appel assez explicite : nous devons diversifier les moyens de financement.
Qu’y a-t-il sous le terme « se professionnaliser » ?
Le mécénat nous engage. Il faut donc clarifier notre philosophie vis-à-vis des mécènes et des projets que nous portons avec eux. Nous devons être très rigoureux, et en mesure d’évaluer nos programmes. Récemment, lors d’un contrôle de la Cour des comptes, certaines questions très précises ont porté sur le mécénat. Demain, les sommes seront peut-être plus importantes encore, nous ne pouvons pas nous contenter d’empirisme. Il est important, par exemple, que nous ayons des modèles performants de convention.
Vous élaborez une charte du mécénat…
Elle clarifie les engagements respectifs des deux partenaires et précise les ingrédients nécessaires à un partenariat réussi : durée, fidélité, échange, confiance, dialogue, respect mutuel. Elle établit surtout les engagements du Conservatoire en matière de réalisation des projets, des contreparties éventuelles négociées, afin que la reconnaissance due aux mécènes soit respectée. En d’autres termes, elle oblige le Conservatoire à ne plus voir les mécènes comme des carnets de chèque mais comme des partenaires.
Et puis, à partir du moment où un partenaire a eu connaissance de cette charte, il la valide de fait. Ce texte traduira donc une réciprocité d’engagement. La charte est aussi un cadre, en interne, pour une discussion autour de l’acceptation du mécénat. Elle devrait être prête au printemps.
Parmi les autres outils que vous mettez en place dans le but d’une professionnalisation, il y a la constitution d’un comité de mécénat. À quoi cela correspond-t-il ?
Nous l’imaginons comme un « conseil des sages » qui se réunira deux ou trois fois par an et dont l’objet sera d’apporter sa validation aux nouvelles propositions de partenariat ainsi qu’aux projets s’inscrivant dans les programmations.
Ce comité doit comprendre des agents du Conservatoire, intéressés ou non au mécénat ; et des représentants du monde de l’entreprise. Par exemple des personnes ayant eu en charge les dossiers mécénat mais désormais extérieurs, on peut les imaginer à la retraite. Nous attendons qu’ils nous aident à percevoir les exigences du monde de l’entreprise. Nous faire savoir et réaliser, par exemple, que les fondations ont des comptes à rendre aux actionnaires. Nos mécènes nous aiment bien, souvent même ils ont de l’affection à notre égard, mais je sais que par moments, ils peuvent nous trouver assez peu professionnels. Nous devons pouvoir corriger cela et suivre une règle de conduite bien arrêtée. J’attends que ce comité nous oblige à respecter nos engagements afin que nous renvoyions l’image du sérieux et du suivi. Cette question du professionnalisme est déterminante. Il faut être à la hauteur de nos partenaires. Pour cela, nous devons définir nos règles et nous les imposer.

Recueilli par Moune Poli