>>> Départements du Nord et du Pas-de-Calais

Les terrils miniers

 
intègrent les espaces naturels sensibles

Espaces naturels n°19 - juillet 2007

Aménagement - Gouvernance

Guillaume Lemoine
Conseil général du Nord

 

Depuis le Nord-Pas-de-Calais, la chaîne des terrils s’étire sur plus de cent vingt-cinq kilomètres jusqu’au Borinage belge. Plusieurs centaines de collines noires s’élèvent ainsi pour témoigner de l’extraction du charbon pendant plus de deux siècles.
Aujourd’hui, la majorité d’entre elles est (ou a été) réexploitée1. Mais les autres ? La question intéresse les acteurs de la protection des espaces naturels car la nature minérale et drainante des matériaux qui les composent, leur couleur noire et leur relief en font des biotopes bien à part. Formés de matériaux secs, plus ou moins acides, plus ou moins instables et se réchauffant rapidement avec les rayonnements solaires, les terrils apportent des éléments de biodiversité dans un Nord aux terres plutôt calcaires, au climat humide et aux températures modérées : de nombreuses espèces thermophiles (des dunes ou des régions méditerranéennes) s’y rencontrent.
Les terrils accueillent ainsi des espèces animales prestigieuses, souvent inconnues en région, ou en situation défavorable de conservation dans leurs milieux naturels d’origine, comme les alouette lulu, engoulevent d’Europe, lézard des murailles, crapaud calamite, alyte accoucheur… Ils abritent également les populations mondiales les plus septentrionales de pélodytes ponctués, espèce franco-ibérique qui remonte dans le Nord à la faveur de biotopes plus chauds. La flore, elle aussi, est digne d’intérêt avec la présence de micropyre délicat, oseille en écusson, épervière de Bauhin, scrofulaire des chiens, de galéopsis à feuilles étroites et d’inule visqueuse, bien loin de leurs aires naturelles d’origine. À ces plantes se joignent de nombreuses espèces thermophiles régionales et quelques exotiques apportées par les échanges commerciaux ou les troupes militaires du Commonwealth qui ont stationné en région lors des derniers conflits mondiaux.
Devant ce surprenant patrimoine, la région, les départements du Nord, du Pas-de-Calais et l’association des communes minières ont signé une convention avec l’établissement public foncier (EPF) du Nord et du Pas-de-Calais. Ils l’ont mandaté pour acheter les biens de l’entreprise Terril SA, filiale d’exploitation des Charbonnages de France, avant qu’ils soient vendus à des privés et échappent aux stratégies des collectivités. Une bonne partie de ce patrimoine naturel, composé de friches minières à forte biodiversité, a intégré les éspaces naturels sensibles des départements du Nord et du Pas-de-Calais. Le département du Nord s’est aussi rendu propriétaire (ou est gestionnaire) de plus d’une dizaine de sites miniers qui totalisent près de 800 hectares de nature bien originale.
Avant leur transfert, et avec l’assistance écologique des services espaces naturels sensibles, l’établissement public foncier2 a procédé à une remise en état et une mise en sécurité des friches minières là où cela semblait nécessaire. Il a également restauré des habitats steppiques, ou encore créé des dépressions humides à crapauds calamites et des roselières sur les bords d’étangs d’affaissements miniers. Ces travaux ont permis à certains terrils de devenir des maillons forts d’un réseau écologique dans le bassin minier. Ils accueillent également une certaine biodiversité ordinaire dans un Nord très industriel, à la population nombreuse et à l’agriculture performante.
La requalification entreprise n’a pas exclu l’Homme : les terrils miniers situés à proximité des zones densément urbanisées constituent des espaces de promenade pour les nombreux habitants. Les terrils présentent ainsi de véritables réservoirs de biodiversité accessibles au public. C’est le cas du terril des Argales (commune de Rieulay, 140 ha) ou de Chabaud-Latour et de la fosse Ledoux (Condé-sur-l’Escaut, 350 ha).
Aujourd’hui, le département du Nord envisage3 de poursuivre les acquisitions foncières. Il souhaite conforter les « cœurs de nature » que constituent les terrils. En aliénant des espaces à proximité, il souhaite assurer une fonctionnalité écologique à ces écosystèmes, aujourd’hui isolés les uns des autres.

1. Riches de charbon mal trié, schistes noirs et schistes rouges, les terrils ont fait l’objet d’une réexploitation.
2. Dans le cadre de financements de l’ancien contrat de Plan et de fonds européens.
3. Avec l’aide de l’établissement public foncier.