Les sentiers

 
Témoins, indicateurs... médiateurs

Espaces naturels n°19 - juillet 2007

Le Dossier

Bernard Debarbieux
Université de Genève
Juliette Vodinh
Asters

Identifier les formes de sentiers, leurs usages, leur impact ; comprendre pour mieux intervenir, tel était l’objectif poursuivi par des chercheurs et gestionnaires d’espaces protégés de la région Rhône-Alpes (réserves naturelles de Haute-Savoie, parcs régionaux de Chartreuse et du Vercors, parc national des Écrins, réserve naturelle des gorges de l’Ardèche). Le programme était financé par le ministère en charge l’environnement.

Un sentier ? Quoi de plus évident, ici en forêt, là en alpage, ailleurs au bord de l’eau. La trace nous semble partout familière, sinon naturelle. Certes, elle est le produit des Hommes, même si parfois les animaux, à force de passages, marquent également le sol de leurs propres cheminements. Mais cette trace nous vient généralement de fort loin, transmise sans mot dire, par les générations passées ; de si loin qu’elle nous semble faire corps avec les milieux et les paysages qu’elle traverse. Et pourtant…Pourtant, le sentier est bel est bien un artefact, une construction humaine qui a été décidée, dont on décide encore régulièrement de la pérennité ou de la transformation. Le sentier est le produit de nos intentions ; il répond à des besoins, même s’ils peuvent être variés et se succéder dans le temps. Mais la plupart des usagers l’oublient ou font mine de le faire. Le sentier est là ; il guide les pas ; il est l’intermédiaire tacite et bienveillant de la plupart de nos pratiques de la nature. À tel point qu’en cheminant, on pense rarement à ce qu’il est et à ce qu’il représente. Par contre, les gestionnaires d’espaces protégés et de sites touristiques savent bien ce qu’il en est. Ils ont appris à les identifier, à les hiérarchiser, à en ouvrir de nouveaux et à entretenir les anciens. Ils ont parfois aussi choisi d’en abandonner, pour dissuader les marcheurs et laisser le naturel reprendre sa place.
Ainsi, en y réfléchissant un peu, le sentier apparaît non seulement comme le médiateur de nos pratiques de la nature, mais aussi comme un intermédiaire entre tous ceux que leur fréquentation concerne : les marcheurs et les gestionnaires, on vient de le dire, mais aussi les agriculteurs, les alpagistes, les promoteurs de la randonnée, les communes et les propriétaires, jusqu’aux départements qui ont désormais des compétences dans ce domaine. À voir autant d’intérêts converger sur lui, le sentier méritait qu’on en étudie les caractères, les impacts, les usages et les formes de gestion.
C’est l’objectif que se sont donnés un laboratoire de recherche, celui de l’institut de géographie alpine (université de Grenoble), et quelques espaces protégés de la région Rhône-Alpes (réserves naturelles de Haute-Savoie, parcs régionaux de Chartreuse et du Vercors, parc national des Écrins, réserve naturelle des gorges de l’Ardèche) à la faveur d’un programme financé par le ministère de l’Environnement entre 1999 et 2003. Ainsi chercheurs et gestionnaires ont travaillé ensemble à l’identification des formes des sentiers, des usages, des impacts et des types de gestion, pour comprendre d’abord, et pour mieux intervenir ensuite sur leur gestion. Les textes qui suivent présentent quelques résultats de ces recherches et suggèrent aux gestionnaires différentes pistes – décidément, le sentier se prête à toutes les métaphores – pour en préciser le statut dans la mission qui est la leur.