Le réveil des consciences

 
>>> Grand site Sainte-Victoire

Espaces naturels n°13 - janvier 2006

Gestion patrimoniale

Philippe Maigne

 

Le 28 août 1989 sur le Grand site Sainte-Victoire, le feu parcourt 5 500 ha. Seize ans plus tard, le Syndicat mixte du Grand site Sainte-Victoire fait le point.

C’est le plus grand espace boisé des Bouches-du-Rhône : 35 000 hectares à proximité d’Aix-en-Provence et Marseille. C’est là, sur la montagne Sainte-Victoire, qu’un gigantesque incendie s’est déclaré le 28 août 1989. Il a détruit 5 500 hectares de forêts autour de ce « monument minéral », cher au peintre Cézanne. Au cœur d’une région urbaine d’1,3 million d’habitants, avec une fréquentation globale d’un million de visiteurs, c’est à la fois un Grand site de France et un site Natura 2000 qui a été touché.
Ne pas reconstituer le paysage à l’identique
Le feu a réveillé les consciences, les acteurs ont réalisé la gravité du danger. Depuis, ils se sont organisés.
Avant l’incendie, la montagne venait juste d’être classée et l’ambiance locale était plutôt tendue. Pas de plan de gestion, pas de cohérence dans l’action, des opérateurs dispersés. Le passage du feu a profondément modifié cet état de fait. L’incendie a conduit les communes à reconsidérer l’avenir en tenant vraiment compte du risque « feu ». La population (multipliée par deux en 25 ans) a changé, elle ne voit plus l’espace, majoritairement, comme un support de production mais comme un cadre de vie qu’il faut préserver.
La mise en place d’une stratégie de défense forestière active a été ressentie comme une obligation. Le Syndicat intercommunal Sainte-Victoire voit alors le jour. Les associations se fédèrent au sein de l’association pour Sainte-Victoire. L’État, la Région, le Conseil général, la société civile répondent présents y compris par le mécénat ou le bénévolat…
En juin 1991, le schéma de réhabilitation de la montagne Sainte-Victoire est adopté. Son objectif n’est pas de reconstituer le paysage à l’identique, avec sa couverture végétale, mais au contraire de couper la continuité forestière par des espaces ouverts.
Pendant trois ans, le Syndicat, l’ONF le Département, l’armée, les bénévoles vont nettoyer les bois brûlés et constituer des fascines (fagots de bois morts) en travers des pentes pour limiter l’érosion : 2 200 hectares traités pour un coût de 2,13 millions d’euros. La régénération naturelle est favorisée (recepage de taillis de chênes, pins d’Alep…) mais surtout des remises en culture sont progressivement opérées (oliveraies, chênes truffiers, cultures à vocation cynégétique et agricole).
Une charte forestière
En outre, dans une vision à long terme, le Pidaf 1 est mis à jour. Ce programme d’action à dix ans est l’élément cadre d’une stratégie globale de défense de la forêt contre les incendies.
Cette réflexion approfondie sur la prévention a été menée :
- compte-tenu de ce que l’exploitation ne parvient pas à prélever la production annuelle de bois (elle en prélève à peine 1/4), une masse de combustible s’accumule, il faut améliorer les conditions de l’exploitation (regrouper les propriétaires, faciliter les opérations non rentables de broyage des rémanents et de la phase intermédiaire de dépressage, améliorer la desserte, mieux valoriser le bois « énergie ») pour que « l’exportation » progresse ;
- limiter les départs de feu (10 à 30 par an) concentrés le long des voies de communication et en bordure d’urbanisation (poudrières) : éclaircir, débroussailler, sensibiliser ;
- limiter sa propagation en cloisonnant l’espace pour freiner le feu (coupures de combustible, sylviculture dynamique, soutien à l’agriculture et au pastoralisme) ;
- optimiser la lutte (pistes DFCI 2 et bandes débroussaillées, points d’eau).
Aujourd’hui, le Grand site est en discussion pour mettre en place une charte forestière de territoire.
En effet, les fonds publics vont prioritairement aux zones stratégiques : 2 000 ha sur 30 000 ! Des actions complémentaires de diminution de la biomasse sont nécessaire sur l’ensemble du massif. En outre, entre trois et cinq ans après une opération, s’il n’y a pas d’exploitation ni de pâturage, il faut y revenir…
Pour viser l’efficacité, il faut conclure des partenariats avec les propriétaires, avec les exploitants privés et avec les partenaires associatifs qui peuvent pratiquer une gestion agricole, pastorale, forestière ou cynégétique en appui de l’action publique. C’est l’un des objectifs de la charte. La convention passée entre le Groupement d’intérêt cynégétique Concors-Sainte-Victoire, la fédération des chasseurs, l’ONCFS et le Grand site en est un exemple : un schéma de gestion cynégétique avec un volet important de maintien d’espaces ouverts, qui va dans le sens de Natura 2000, de la DFCI et… des perdrix ! Plusieurs centaines d’hectares ont été repérés, dans des sites précisément définis. Et seront prises en charge par des sociétés de chasse locale avec le soutien financier des collectivités locales.

1. Plan intercommunal de débroussaillement et d'aménagement forestier.
2. Défense des forêts contre l’incendie.