Écosystème prairie de fauche

L’Observatoire national surveille les évolutions

 

Espaces naturels n°13 - janvier 2006

Études - Recherches

Joël Broyer
Coordinateurs de l'ONEPF
Laurence Curtet
Coordinateurs de l'ONEPF
 

L’Observatoire national de l’écosystème prairie de fauche a été mis en place en 2001. Depuis quatre ans, ce réseau recense les oiseaux prairiaux afin d’établir des indicateurs mesurables et contrôlables de la biodiversité. Protocole et premiers résultats…

Il n’est plus guère de région d’Europe où la pérennité de l’écosystème prairial, lorsqu’il subsiste, ne soit sérieusement compromise. Les mutations agricoles successives aboutissent toujours, tantôt à l’abandon des prairies, tantôt à une gestion de moins en moins compatible avec la préservation de leur flore et de leur faune. Tandis qu’en Russie la disparition de plus de la moitié du cheptel bovin entre 1990 et 2002 s’accompagne d’un abandon de l’exploitation des prairies sur des unités de parfois plusieurs milliers d’hectares, un récent colloque de l’Association française pour la production fourragère fait le constat de l’échec des politiques de soutien mises en place en France depuis 1992. Au cours de ce colloque, les intervenants ont souligné « la nécessité – et la difficulté – d’établir des indicateurs mesurables et contrôlables de la biodiversité. Une première étape jugée indispensable pour permettre de reconnaître et de soutenir davantage les prairies permanentes ».
C’est très précisément l’objectif que se sont fixé divers organismes partenaires associés dans l’Observatoire national de l’écosystème prairie de fauche (ONEPF).
L’Observatoire
son fonctionnement,
sa méthode
La vocation de l'ONEPF est de synthétiser et diffuser des données enregistrées annuellement dans les régions de France où la gestion des prairies permet encore à des populations nicheuses d’oiseaux prairiaux de subsister. Depuis 2001, un protocole standardisé simple et peu coûteux en temps est mis en œuvre localement par des organismes aussi divers que l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), des Parcs nationaux (Vanoise, Écrins), des Parcs naturels régionaux (Bauges, Boucles de la Seine normande, Queyras), des Réserves naturelles (Estuaire de la Seine, Baie de l’Aiguillon), des associations (Cora Isère) ou des Conservatoires (Conservatoire des sites lorrains).
Dans chaque région naturelle surveillée (Val-de-Loire, plateau ardéchois, Haute Maurienne, mont Lozère…), l’organisme membre de l’ONEPF sélectionne un certain nombre de stations dans lesquelles toute l’information nécessaire sera recueillie : échantillon de 200 m de rayon (environ 12 ha), où la prairie de fauche doit occuper au moins 40 % de l’aire totale. Les correspondants locaux de l’ONEPF ont donc la responsabilité de l’échantillonnage, le nombre de stations pour une région donnée étant souvent défini en fonction des possibilités matérielles. Une partie des données doit être collectée annuellement pour renseigner une fiche A, et une information complémentaire est demandée tous les cinq ans (fiches B et C).
La fiche A comprend un recensement des oiseaux prairiaux pendant deux périodes de quinze minutes par un observateur immobile au centre de la station, une évaluation de la proportion de prairie dans la station, et de la proportion de prairie déjà fauchée à quatre différentes dates : 20 juin, 1er et 15 juillet, 1er août. À partir des comptages d’oiseaux, deux indices sont calculés : l’indice passereaux prairiaux (nombre d'individus cumulés) et l’indice de la diversité spécifique (nombre d’espèces prairiales, passereaux ou non). Les oiseaux prairiaux recensés appartiennent exclusivement aux espèces nichant au sol, dont la liste est établie dans le protocole.
Dans la fiche B, des mesures simples ne demandant pas de grandes compétences en botanique permettent de décrire la structure végétale (hauteur, densité) et la flore de la prairie. Parmi ces indicateurs, un indice de diversité floristique donne le nombre d’espèces différentes (mais non identifiées) sur un transect de 10 m x 2 m.
La fiche C, basée sur un questionnaire soumis aux exploitants, apporte des informations sur la gestion des prairies (fertilisation par exemple).
Les fiches sont communiquées à la coordination nationale qui assure le traitement des données et la diffusion d’un bulletin annuel en avril de chaque année.
Premiers résultats
2001 - 2004
En 2004, 94 régions naturelles ont été surveillées, avec 921 stations au total.
La carte ci-contre montre les valeurs moyennes des indices passereaux prairiaux (IPP) dans ces régions. Les plus fortes valeurs sont généralement rencontrées dans les vallées inondables, mais aussi dans les prairies d’altitude dans le sud du Massif Central.
Les tendances interannuelles sont mesurées globalement (à l’échelle nationale) par le bilan des changements observés de la répartition des régions dans trois catégories : IPP au moins égal à 10, compris entre 5 et 10 ou inférieur à 5. Nous avons constaté que l'indice national s’est détérioré de 2001 à 2003, puis s’est légèrement redressé en 2004. Une tendance corrélative semble apparaître pour le calendrier des fauches qui tend à devenir plus précoce. Pour les prochaines années, nous disposons maintenant d’un outil opérationnel pour décrire à différentes échelles les conséquences de la modernisation dans la gestion des prairies, mais aussi pour contrôler l’efficacité des diverses mesures agri-environnementales.
De plus, les variables descriptives de la végétation et de la gestion des prairies peuvent permettre de modéliser les conditions optimales pour la démographie des oiseaux prairiaux. Une analyse statistique préliminaire sur plus de la moitié des stations suivies (fiches A et B uniquement) indique que la probabilité d’observer un IPP supérieur ou égal à 10 est principalement liée à la structure de l’herbe (hauteur et densité), au pourcentage de prairie non encore fauchée le 1er juillet et à l’importance des populations de passereaux à l’échelle de la région naturelle. Les résultats de l’ONEPF aideront donc aussi à mieux ajuster le contenu des politiques publiques en faveur de l’écosystème prairial.
Participation au réseau
Une statistique précise, avec des indices simples, est ainsi désormais disponible. Ces indices peuvent permettre à un gestionnaire ou à un opérateur impliqué dans le suivi d'un ensemble de prairies, d’en mesurer l’état de conservation ou son intérêt propre par une simple comparaison avec la situation nationale.
Tout organisme intéressé peut devenir membre de l’ONEPF. Le seul engagement sera d’accepter les termes du protocole national et de transmettre les fiches A, B et C assez tôt (septembre) pour la synthèse annuelle. Le protocole détaillé, avec les fiches de relevé correspondantes, peut être demandé à la coordination nationale.