Nord-Pas-de-Calais

Intégrer la dimension géologique dans le plan de gestion

 

Espaces naturels n°43 - juillet 2013

Le Dossier

Gaëlle Guyétant
CEN Nord-Pas-de-Calais

 

Le vrai challenge pour ce site du Conservatoire des espaces naturels a été de ne privilégier ni les enjeux géologiques, ni les enjeux environnementaux. Le plan de gestion intègre l’ensemble de ces dimensions.

Pourquoi intégrer géologie et patrimoine géologique dans son plan de gestion ? Et pourquoi pas ? Notre responsabilité n’est-elle pas de considérer le patrimoine naturel dans son ensemble ?
Prenons l’exemple de la Réserve naturelle régionale de la forteresse de Mimoyecques. Un ancien site militaire souterrain creusé dans le massif crayeux du nord du Boulonnais (62). Un lieu de mémoire fréquenté chaque année par 10 000 visiteurs et près de 400 chauves-souris, qui en ont fait l’un des plus importants sites d’hibernation au nord de Paris.
Le premier réflexe serait de nous concentrer sur la protection des chiroptères. Il serait logique de considérer le contexte géologique, la craie, comme étant le support déterminant leurs conditions de vie dans les souterrains. Logique aussi de l’utiliser comme outil pédagogique, pour expliquer ce lien au grand public. Mais la géologie a d’autres facettes.

Géologie, un enjeu. Envisager la géologie comme un enjeu naturaliste à part entière, pour ses dimensions esthétique, pédagogique, scientifique… n’est pas toujours facile et rien ne vaut les échanges avec des géologues qui ont la connaissance nécessaire pour cela.
C’est ce que nous avons fait. Quand, en 2007, l’inventaire du patrimoine géologique a été engagé, le Conservatoire d’espaces naturels et la Dreal Nord-Pas-de-Calais se sont associés aux scientifiques locaux. Il a alors été démontré que Mimoyecques était non seulement un site géologique mais également un site patrimonial : le front de taille qui surplombe l’entrée des souterrains expose des niveaux de marnes d’origine volcanique (1), utilisées à l’échelle du bassin parisien (France-Angleterre), et permet de reconstituer une partie de l’histoire de la mer, de la craie au Crétacé supérieur.
Le conservatoire a donc saisi l’argument pour protéger le site dès 2008. Le plan de gestion pouvait-il l’ignorer ?
L’étape suivante a consisté à associer les données concernant le contexte géologique avec les enjeux du plan de gestion afin de définir des moyens d’action.
Ce n’est pas tout en effet, de connaître la constitution d’une roche ou d’identifier la présence d’une faille, encore faut-il connaître les processus géologiques en cours et les menaces naturelles ou anthropiques qui pèsent sur cette géodiversité : développement de la végétation, érosion, pillage, aménagement…
Le plan de gestion a donc intégré ces préoccupations. Sur le front de taille, la problématique majeure est de concilier conservation, face à une érosion importante, et contraintes de sécurité, inhérentes à la valorisation touristique du site.
Pour cela, une expertise a été commandée à un bureau d’étude géotechnique afin qu’il évalue la dynamique et la dangerosité du front et qu’il propose les solutions les plus adaptées.

Actions. À partir de 2009, plusieurs opérations ont été engagées : pose d’un grillage pare-éboulis, débroussaillages et purges annuels sur et aux pieds des parois rocheuses, suivi régulier de la stabilité, mise en valeur des aspects les plus pédagogiques du front par la pose d’un panneau.
Depuis, chaque année, des visites guidées sont organisées sur la thématique Patrimoines croisés, associant histoire, chauves-souris et géologie.
Le challenge consiste à considérer le site dans son ensemble. Ne privilégier aucun des enjeux mais protéger et valoriser chacun d’eux, pour leur valeur intrinsèque et pour les relations qu’ils entretiennent. •

1. Les marnes sont des roches sédimentaires composées de calcaires et d'argiles. À Mimoyecques, la fraction calcaire correspond à la craie tandis que la fraction argileuse provient de la transformation de dépôts de cendres volcaniques en différentes argiles.