Pôle de médiation faune sauvage

Des hommes et des animaux : partager un même territoire

 

Espaces naturels n°67 - juillet 2019

Pédagogie - Animation

Mickaël Nicolas, coordinateur du pôle de MFS, mediationfaune@natureo.org

« Au secours, il y a un serpent dans mon jardin ! » Depuis plus de dix ans, l’association Nature en Occitanie sensibilise, forme, intervient pour faciliter la cohabitation entre les hommes et la faune sauvage. Créé en 2014, le pôle de Médiation faune sauvage se dédie à cette tâche, avec chaque jour davantage de sollicitations.

Jeune Chouette chevêche extirpée d'un insert de cheminée. © M. Tiberghien

Jeune Chouette chevêche extirpée d'un insert de cheminée. © M. Tiberghien

Les relations homme-animaux sauvages sont un sujet complexe mêlant vécu, croyances et idées reçues. Les médias jouent un rôle non négligeable dans l’alimentation des craintes et phobies des humains : de Anaconda à Les Oiseaux d’Hitchcock, nombreuses sont les représentations qui ont terni l’image de la faune sauvage. La question de la cohabitation avec les animaux sauvages se pose ainsi souvent, pour un large public, à l’occasion d’expériences conflictuelles qui émergent d’un problème de partage de l’espace de vie des humains et celui « dédié » à la nature.

D’UNE ACTION PONCTUELLE À UN PÔLE DÉDIÉ

Chaque année, que ce soit par mail, téléphone ou lors d’animations menées sur la région, l’association Nature en Occitanie (NEO) reçoit de nombreuses questions sur la cohabitation avec la faune sauvage. En 2009, la recrudescence d’appels liés à des problèmes avec les serpents au dénouement souvent tragique, a encouragé le groupe herpétologique de NEO à organiser une action spécifique, pilotée par les bénévoles : « Il y a un serpent dans mon jardin. ». En 2014, soutenue par la Région Occitanie et l’État, l’association a décidé d’élargir l’action à toutes les espèces en créant le pôle de Médiation faune sauvage (MFS), aujourd’hui constitué d’une vingtaine de médiateurs bénévoles, salariés, services civiques et de nombreux partenaires aux compétences complémentaires. Les objectifs de ce pôle sont multiples : sensibiliser tous les publics en développant une meilleure connaissance des espèces sauvages locales pour mieux cohabiter, conseiller et proposer des solutions concrètes à des problématiques liées à la présence de faune sauvage dans les espaces privés ou publics et préserver les espèces et leurs habitats notamment à proximité de l’homme en prônant la cohabitation et le bon sens. Le pôle MFS, agissant en amont, vient en appui aux centres de soins mais également aux territoires, services de l’État ou encore services départementaux d'incendie et de secours qui le sollicitent régulièrement. De l’identification d’une espèce croisée au jardin à l’intervention pour un serpent visitant le garage, le pôle a pour ambition première de ne pas laisser le public sans réponse et de lui proposer des solutions durables. Certains cas sortent néanmoins de son champ d’action et nécessitent l’intervention d’un réseau de partenaires. En effet, le pôle MFS n’est ni un centre de soins, ni une entreprise de dératisation, ni une fourrière animale, l’ONCFS ou les pompiers… Ces différents statuts nécessitent, outre des autorisations pour les espèces réglementées, des formations et compétences spécifiques. Dans ces cas, le pôle informe et aiguille le public vers les structures compétentes.

DES SOLLICITATIONS TOUJOURS PLUS NOMBREUSES

Depuis 2009, les interventions ont connu une nette augmentation passant d’une dizaine à plus de 300 référencées en 2018, principalement en Occitanie. Malgré une saisonnalité liée à l’activité des espèces (sorties d’hivernation au printemps pour les reptiles, éclosions et sorties de nids en fin d’été), les sollicitations ont lieu toute l’année. Étant donné l’ancienneté de l’action « Il y a un serpent dans mon jardin », les interventions recensées révèlent une majorité de cas concernant les « reptiles » (77 %) et notamment les serpents. Comparés à d’autres expériences similaires en France, les cas dédiés aux oiseaux ne sont pas dominants. Les appels liés aux animaux exotiques sont aujourd’hui anecdotiques, cependant on constate une augmentation liée notamment à la commercialisation de « nouveaux animaux de compagnie » dont les serpents font partie. Hormis le cas des animaux en détresse, l’intervention sur site, coûteuse en temps et en énergie, n’est pas systématique. L’expérience montre que bien des cas se résolvent à distance grâce au discours et à l’écoute de médiateurs qui se perfectionnent d’année en année, permettant des échanges rassurants et efficaces. Étant donné les faibles moyens humains et financiers mobilisables, la communication autour du pôle de MFS faune sauvage est limitée. Cinquante pour cent des cas traités aujourd’hui proviennent de recherches sur internet, qui conduisent le public vers la page dédiée au pôle ou encore vers le centre de ressources - 560 fiches espèces en ligne - sur le site de NEO. Les pompiers donnent également le contact du pôle, quand ils n’interviennent pas à nos côtés.

FORMER POUR MIEUX SENSIBILISER

« L’animal que j’ai vu ressemble à un sanglier avec une tête de hérisson et la queue d’un lynx… ». Qui reconnaîtrait le blaireau derrière cette description ? Afin de proposer des solutions durables, il est important de bien identifier la situation et les espèces concernées. Ainsi chaque année, NEO accompagne les médiateurs dans leur rôle à travers un protocole de réponse, du filtrage des appels jusqu’à l’intervention sur site quand le cas le nécessite, mais aussi via des formations thématiques. Afin d’optimiser le fonctionnement du réseau et mutualiser le discours de cohabitation, des actions de formation à destination des partenaires et notamment des pompiers sont régulièrement conduites. En 2018, avec le soutien du Fonds pour le développement de la vie associative, cinq sessions de formation ont été menées par Gilles Pottier, herpétologue, pour présenter l’écologie des serpents, identifier ces espèces et leurs habitats sur le terrain et s’initier à la manipulation « en dernier recours », sans danger pour l’animal et le médiateur. Le pôle de MFS est finalement un outil qui contribue à changer le regard sur les espèces côtoyées quotidiennement en passant par une meilleure connaissance de l’environnement proche.