Milieu marin

Comment intègre-t-on la biodiversité ?

 

Espaces naturels n°67 - juillet 2019

Le Dossier

Sylvain Michel, chargé de mission Usages industriels et aménagements maritimes au département des milieux marins de l’AFB

La mer a un attrait particulier pour les porteurs de projet d'énergies renouvelables. La prise en compte de la biodiversité dans ces installations se fait à un premier niveau de façon réglementaire, mais il existe aussi des lieux de discussion qui associent les gestionnaires d'aires marineLa mer a un attrait particulier pour les porteurs de projet d'énergies renouvelables. La prise en compte de la biodiversité dans ces installations se fait à un premier niveau de façon réglementaire, mais il existe aussi des lieux de discussion qui associent les gestionnaires d'aires marines protégées.

Parc éolien de Thornton en Belgique, constitué de 48 éoliennes (puissance totale 295 MW). © Sylvain Michel - AFB

Parc éolien de Thornton en Belgique, constitué de 48 éoliennes (puissance totale 295 MW). © Sylvain Michel - AFB

À l'échelle nationale : les premiers garde-fous sont les objectifs environnementaux définis en application de la directive européenne « stratégie pour le milieu marin » (DCSMM). À l'échelle des façades maritimes, les documents stratégiques de façade doivent concilier les objectifs nationaux en matière d'Énergie marine renouvelable (EMR), définis par la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) (lire encadré ci-contre), avec les intérêts de tous les types d’usagers de la mer et du littoral. Ces stratégies sont actuellement en phase de consultation publique pour une publication fin 2019. Les documents stratégiques de façade contiennent notamment des cartes de vocation qui délimitent des macrozones où le développement de l’éolien en mer est envisageable. Les Plans d'action pour le milieu marin (PAMM) constituent le volet environnemental de ces futures stratégies et ont été publiés en 2018. Issus de l’application conjointe des directives européennes « planification de l’espace maritime » et « stratégie pour le milieu marin », ils fixent pour chacune des quatre sous-régions marines de Métropole de nombreux objectifs environnementaux, un programme de mesures et un programme de surveillance.

Le ministère en charge de l'écologie pilote aujourd’hui plusieurs groupes de travail, associant les services de l’État et les établissements publics compétents sur les milieux marins, pour rendre opérationnel le suivi de ces objectifs environnementaux et s’assurer que les futures autorisations de projets seront compatibles. Pour sa part, l’Agence française pour la biodiversité (AFB) a contribué à la planification spatiale des activités maritimes, en hiérarchisant et en cartographiant les enjeux écologiques en mer, au regard des effets potentiels des usages sur les espèces et habitats marins. Dans le cadre de ses avis techniques, l’établissement émet fréquemment des recommandations visant à garantir que les projets d’EMR ne menacent pas l’atteinte des objectifs environnementaux, que les méthodes proposées pour les suivis des projets puissent contribuer aux programmes de surveillance à l’échelle des façades maritimes. La prise en compte de la biodiversité, dès la planification des zones d'appel d'offres éoliens, est capitale pour respecter le premier volet de la doctrine « Éviter, réduire, compenser » (ERC).

UN CADRE RÉGLEMENTAIRE AMÉLIORANT LA PRISE EN COMPTE DE LA BIODIVERSITÉ

La simplification en cours du cadre réglementaire doit permettre une meilleure prise en compte des enjeux de biodiversité. Aujourd’hui, un projet d’EMR peut nécessiter : une autorisation environnementale (unique) au titre du Code de l’environnement, une autorisation d’occupation du domaine publique maritime (DPM), une dérogation « espèces protégées » (impliquant un avis du CNPN ou CSRPN), une évaluation d’incidences Natura 2000, un avis conforme ou simple d’un parc naturel marin (ou bien un avis conforme du conseil d’administration de l’AFB pour les projets d’utilité publique).

Pour les projets éoliens en mer, une évolution récente consiste à délivrer un « permis enveloppe » permettant des variantes au projet dans une certaine gamme, afin de prendre en compte les évolutions technologiques entre la candidature à l’appel d’offre et la réalisation d’un projet (ce qui aura pris jusqu’à 10 ans pour les premiers projets français). Cette nouvelle procédure implique que l’État réalise « tout ou partie » de l’étude d’impact avant d’attribuer un site au lauréat de l’appel d’offres. Autre nouveauté : le débat public se tiendra avant l’attribution du projet, afin que le futur lauréat puisse davantage prendre en compte les avis des acteurs du territoire dans la conception de son parc éolien en mer.

À L'ÉCHELLE DES TERRITOIRES, LES GESTIONNAIRES PEUVENT PRENDRE LA PAROLE À DIFFÉRENTS MOMENTS DES PROJETS

Les gestionnaires d’aires marines protégées peuvent contribuer aux groupes de travail qui planifient les activités en mer, notamment pour la désignation des sites des appels d’offres gouvernementaux. Les débats publics préalables à l’attribution des sites éoliens en mer seront aussi l’occasion d’informer toutes les parties prenantes sur les enjeux écologiques à préserver prioritairement, vis-à-vis des interactions entre l’écosystème, le projet et les autres usages environnants. Enfin, après l’attribution des projets, les gestionnaires peuvent s’impliquer dans les comités de suivi ou comités scientifiques qui sont mis en place pour affiner les mesures ERC et les protocoles de suivis des impacts, afin de s’assurer que le porteur de projet prend bien en compte tous les enjeux écologiques dont ils ont la responsabilité sur leur territoire maritime.

L’AFB est généralement sollicitée pour appuyer les services de l’État qui instruisent les demandes d’autorisation de projets d’EMR, voire directement par l’autorité environnementale (CGEDD). Ses antennes de façade maritime, et le cas échéant les parcs naturels marins concernés, produisent des avis techniques sur la base de leurs connaissances propres et des études d’impact des maîtres d’ouvrage. Les équipes de l’AFB peuvent aussi solliciter les gestionnaires des aires marines protégées qu’elle ne gère pas directement, afin de recueillir des informations plus précises sur les enjeux écologiques de la zone d’un projet et sur les données disponibles et à compléter. Ces avis sont presque toujours consultatifs, sauf si le projet considéré affecte significativement l’environnement d’un PNM, auquel cas le Conseil de gestion du parc ou le Conseil d’administration de l’AFB peut rendre un avis conforme (c’est-à-dire opposable).

Un projet d’EMR peut nécessiter : une autorisation environnementale, une autorisation d’occupation du DPM, une dérogation « espèces protégées »(...)

Au-delà des procédures administratives, les services de l’AFB participent à tous les comités de suivi ou comités scientifiques des projets d’EMR autorisés ou en passe de le devenir. Nous recommandons alors aux porteurs de projets les méthodes pour suivre les impacts et les modalités pour les réduire qui nous paraissent les plus pertinentes.

Aller plus loin
• Guide du ministère en charge de l'écologie en 2017
• Guide GHYDRO de France énergies marines en 2013