Gestion des déchets sur l’espace littoral

 
Expérimentations en baie d’Audierne

Espaces naturels n°19 - juillet 2007

Méthodes - Techniques

Grégory Thomas
Gardes du littoral - Sivu de la baie d’Audierne
Sébastien Bergue
Gardes du littoral - Sivu de la baie d’Audierne
 

Des déchets parsèment l’espace littoral. En baie d’Audierne (Finistère sud), le syndicat intercommunal à vocation unique, gestionnaire de terrains du Conservatoire du littoral, a lancé diverses initiatives visant à traiter la question. Il a aussi intégré un réseau d’acteurs européens partageant les mêmes préoccupations. Pour l’heure, la quantité de déchets ne faiblit pas, mais une prise de conscience des usagers est amorcée.

Filets, emballages, bidons, plastiques, fûts… La situation géographique de la baie d’Audierne favorise l’accumulation de déchets de toute nature. Aussi, dès sa création en 2000, le syndicat intercommunal à vocation unique (Sivu) de la baie d’Audierne a développé une stratégie pour gérer les déchets sur les 516 ha de dunes, pelouses dunaires et marais littoraux dont il a la charge1. Soucieux d’une certaine éthique, sa démarche privilégie l’utilisation de méthodes douces et la valorisation des déchets par le tri sélectif. Le programme s’articule autour d’actions différenciées, selon les catégories de déchets.
Action
Afin d’éliminer les déchets d’échouage, huit à dix journées de chantier sont organisées chaque année. Ces opérations de ramassage manuel réunissent des volontaires qui évoluent en formation « de tirailleur », autrement dit : en ligne. L’évacuation des sacs, vers les parkings puis vers la déchetterie, est effectuée soit par un attelage de chevaux de trait, soit par un quad attelé d’une remorque. Le tri sélectif des verres, plastiques recyclables, plastiques non recyclables, cordages… s’effectue en même temps que le ramassage. Chaque année, ce sont douze mètres cubes de cordages et filets qui sont ramassés ; et deux à trois mètres cubes de déchets qui sont triés lors de chaque collecte.
L’opération est l’occasion d’échanger avec le public et le sensibiliser à la durée de vie des déchets et aux « bons » gestes quotidiens. L’annonce de ces journées est effectuée par voie de presse ou par affichage en mairie, cependant, un effort tout particulier est fait en direction des acteurs locaux. C’est ainsi que les centres d’aide par le travail (CAT), l’Espace jeunes, les scouts et éclaireurs
de France participent régulièrement et se fidélisent d’année en année.
L’opération sert également des objectifs d’insertion. Dès les premières collectes, un partenariat avec les CAT de la région a été mis en place. Une trentaine de personnes souffrant d’un handicap d’origine mentale y participent, ce qui a d’ailleurs conduit à moduler fréquence, localisation, durée et période des opérations (notamment, éviter les mois d’hiver) afin de prendre en compte les différentes formes de handicaps. Le bilan s’avère relativement positif et l’efficacité de ces personnes est aujourd’hui avérée. L’équipe gestionnaire a également initié une mise en réseau des acteurs (y compris les CAT) et des rencontres régulières sur le thème des déchets.
Prévention
Autre volet : l’action préventive, notamment ciblée sur les macrodéchets. Depuis deux ans, les gardes du littoral expérimentent la pose de filets piégeur. Constatant que la majorité des déchets flottent, une première technique consiste en la pose d’un filet de pêche en surface d’une zone humide. Cette expérimentation2 a vu le jour à l’automne 2005 sur un secteur où la pelouse dunaire est inondée chaque hiver.
La difficulté réside dans le choix de l’emplacement de pose et dans la résistance de l’aménagement. Afin que le filet puisse endurer la pression du courant et ne pas être piégé par les sédiments, il a été équipé de flotteurs lui permettant de rester à fleur d’eau. Des filets dériveurs ont également été installés. Après quelques mois, le filet avait effectivement résisté au courant. Cependant, la force du courant avait entraîné de nombreux déchets sous la surface (et donc sous le filet). Pour pallier ces difficultés, le filet devrait prochainement être alourdi afin qu’il se maintienne entre deux eaux.
Une deuxième expérimentation consiste en la pose d’un filet grillagé sur cordon dunaire. Inspirée des filets brise-vent utilisés contre l’érosion, cette seconde technique installe (verticalement sur la dune) un grillage à poules à grande maille (50 cm). Outre l’efficacité de l’installation, il convenait de mesurer son intégration dans le paysage.
Plus concluante, cette technique a limité la présence des déchets à une zone de tamaris. En revanche, la présence du public et son comportement parfois incivique (dégradation gratuite du filet) ont constitué une difficulté. Ce type d’action doit être accompagné d’une communication ciblée pour une meilleure compréhension de la gestion en place.
Plus globalement, le bilan de ces tests conduit à conclure qu’il ne peut s’agir que d’aménagements d’appoint, amovibles. Ils ont pour but de diminuer la superficie des collectes manuelles (qui reste l’alternative la plus efficace). Sur la dune, les gestionnaires étudient un système de filets facile à implanter (et à enlever), pouvant être mis en place à la veille de coups de vent annoncés. Les impératifs : des mailles larges (type filet de pêche) ; un montage en moins d’une heure ; une fixation sur des piquets amovibles (à la manière des clôtures temporaires disposées pour couper des parcelles en pâturage). Fourni en rouleaux, il doit être facile à dérouler, permettant d’équiper temporairement de grandes zones totalement dépourvues d’obstacles.
Fréquentation
Papiers, cartons, emballages, verres, la fréquentation du site génère aussi des déchets dont la gestion relève d’une compétence de la communauté de communes ; laquelle, d’ailleurs, a implanté des conteneurs sur les parkings. En complément, le Sivu a, depuis 2006, installé des collecteurs permanents en divers lieux du site. Éloignés des accès parking et plage, ils n’ont pas pour but de servir aux déchets de fréquentation. Ils visent, en complément des collectes manuelles, à inciter au ramassage des déchets d’échouage. Le résultat est très concluant : les usagers de la baie d’Audierne s’impliquent, se réappropriant ainsi leur territoire. Ainsi, par exemple, cinq collecteurs de 1 m3 chacun représentant 22 m3 de déchets sont remplis pendant les mois d’hiver (d’octobre à mars).
Une autre opération de proximité entre, elle, dans une lutte contre la présence des petits déchets sur la plage. Depuis maintenant trois ans, chaque année, 4 000 mégotiers sont mis à la disposition du public. Ces mégotiers sont fabriqués à partir de boîtes Tetra Pak récupérées et nettoyées par des scolaires3. Les travailleurs des CAT les transforment ensuite en cendriers de plage. La distribution est assurée par le Sivu et par des jeunes volontaires. Cette action de sensibilisation se prolonge avec les Espaces jeunes de Plomeur et de Penmarc’h qui ont notamment créé des slogans et des tracts. D’apparence limitée, ces initiatives confèrent un effet positif à long terme, sur le comportement des utilisateurs du site.
Mutualisation
du travail de terrain
Malgré les efforts déployés, l’action semble avoir atteint des limites (notamment en ce qui concerne les déchets d’échouages). Pour aller plus loin et disposer d’informations sur la nature du déchet et son comportement, les gestionnaires de la baie d’Audierne se sont portés volontaires pour faire partie du réseau européen Ospar. Piloté par la Suède, ce projet centralise des informations sur les pollutions marines. Les données sont collectées par des informateurs de différents pays de la côte atlantique qui, quatre fois par an, comptabilisent les déchets sur cent mètres de plage. La France adhère à ce réseau depuis 2005 et la baie d’Audierne est l’un de ses premiers sites expérimentaux4.
Ayant découvert les potentialités de ce travail en réseau, le Sivu de la baie d’Audierne a alors décidé de pousser plus loin. Il a notamment établi une coopération avec deux districts anglais (Torridge et North Devon). Ainsi, depuis un an, les gestionnaires des trois sites ont initié une étude visant à mieux connaître les déchets. Ils l’ont conçue en trois volets : des relevés de terrain, une analyse de ces relevés, l’expérimentation de nouvelles méthodes de lutte. La phase de relevés de terrain a été entamée au début de l’année 2006. Elle a été précédée de la définition d’un protocole commun (méthodologie, plage de référence, fréquence de prélèvement, grille de relevés). Aujourd’hui, l’analyse des données est en cours. L’objectif est de connaître avec précision la catégorie d’usagers à sensibiliser (pêcheurs, commerce, plaisance…). Les premières actions doivent être mises en place à partir de septembre 2007.

1. Le site est réparti sur sept communes dont quatre se sont regroupées au sein d’un syndicat intercommunal à vocation unique : Penmarc’h, Plomeur, St-Jean Trolimon et Tréguennec. La gestion est assurée pour le compte du Conservatoire du littoral, propriétaire du site.
2. Cette expérimentation a été effectuée en collaboration avec le centre de documentation, de recherches et d’expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre).
3. Ils participent à l’opération « lait à l’école » initiée par la société Tetra Pak.
4. C’est en décembre 2005 que le ministère de l’Environnement décide de participer au projet Ospar. Il charge le centre de documentation, de recherches et d’expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux d’en être le correspondant national.