CONSERVATION

Le droit forestier vu sous l’angle de la protection des milieux

 

Espaces naturels n°68 - octobre 2019

Droit - Police de la nature

Anouk Ferté-Devin, juriste conseil droit forestier et droit de l’environnement et responsable nationale police, ONF, anouk.ferte-devin@onf.fr

Le droit forestier consacre des intérêts parfois contradictoires:besoins en bois pour différentes industries, mais aussi gestion forestière à des fins de protection contre les risques, en faveur de la biodiversité ou de l’accueil du public. De fait, le Code forestier offre des outils qui peuvent être utiles pour protéger la forêt dans ses fonctions environnementales.

En l’absence de document de gestion, toutes les coupes doivent faire l’objet d’une autorisation (Valloire). © Julien Pianetti - Unsplash

En l’absence de document de gestion, toutes les coupes doivent faire l’objet d’une autorisation (Valloire). © Julien Pianetti - Unsplash

Les propriétaires doivent doter leurs forêts de garanties de gestion durable. Autrement dit, les forêts doivent en principe être gérées conformément à un document de gestion forestière établi sur vingtans (document d'aménagement en forêt publique relevant du régime forestier ou plan simple de gestion dans les forêts des particuliers de plus de 25 ha1). En particulier en forêt publique, l’enjeu est d’arriver à trouver l’équilibre entre les fonctions écologique, économique, sociale et de protection des risques, équilibre qui peut être très différent d’une forêt à l’autre.

Les déboisements au-dessus d'un seuil fixé par arrêté préfectoral (entre 0,5 et 4 ha) qui mènent volontairement directement ou indirectement à une reconversion du sol sont soumis à une autorisation préalable, sauf exception (art. L341-3 et suivants). L’autorisation sera refusée lorsque le maintien du boisement est nécessaire à la défense des sols contre l’érosion, ou les inondations, à la qualité de l’eau, à la protection des dunes et des côtes contre l’érosion de la mer, à l’équilibre biologique d’un territoire présentant un intérêt remarquable et motivé du point de vue de la préservation des espèces animales ou végétales et de l’écosystème (art. L. 341-6).

En outre, l’administration subordonnera l’autorisation de défrichement à une ou plusieurs conditions, par exemple, la remise en état lorsque le projet est réversible, ou des travaux de compensation comme la plantation. La compensation ici n’obéit pas aux mêmes règles d’équivalence que la compensation écologique, le pétitionnaire peut d’ailleurs préférer verser une somme d’argent au fonds stratégique de la forêt et du bois. Il n’en reste pas moins que, lorsque les mesures sont prescrites en nature, elles peuvent être intéressantes du point de vue écologique.

En l’absence de document de gestion, toutes les coupes, et en particulier les coupes rases, doivent faire l’objet d’une autorisation administrative spéciale (art. L. 124-5, L312-9 et L213-5). Dans tous les cas, les propriétaires ont l’obligation, après une coupe, d’assurer la régénération des peuplements dans les cinq ans qui suivent, ce qui impose des mesures de régénération artificielle lorsque la régénération naturelle ne suffi t pas (art. L. 124-6). Ainsi, en dehors des cas de défrichement autorisés, le maintien de l’état boisé est assuré, mais il n’y a pas d’obligation d’équivalence entre l’avant et l’après.

LES MESURES DE PROTECTION SPÉCIFIQUES

Le classement en forêts de protection vise à protéger les forêts présentant certains intérêts généraux particuliers comme par exemple le bien-être des populations en périphérie des grandes agglomérations (art. L.141-1 et suivants). Il s’agit d’un régime de protection très strict et contraignant pour les propriétaires. En particulier, le défrichement y est interdit sauf exception, ce qui permet d’assurer la conservation du milieu contre l’artificialisation.

Dans les forêts appartenant à des personnes publiques, des réserves biologiques peuvent être créées par arrêté interministériel (art. L.212-2-1 et suivants). Dans les réserves biologiques intégrales, il n’y a plus d’exploitation, à la différence des réserves biologiques dirigées dans lesquelles le document d’aménagement peut prévoir des coupes compatibles avec l’objectif de préservation ou de restauration du patrimoine naturel.

Le Code forestier prévoit également des régimes de protection spécifiques en ce qui concerne la conservation et restauration des terrains en montagne (L.142-1 et suivants) et la défense contre les incendies (art. L.131-1 et suivants) avec notamment dans le premier cas des possibilités d’expropriation.

LES INTERDICTIONS ET LA SURVEILLANCE

Le droit forestier comprend dès l’origine un volet répressif. Le non-respect de la plupart des obligations décrites ci-dessus constitue des infractions. Celles-ci peuvent concerner les propriétaires eux-mêmes et leurs ayants droit (défrichement, coupes illégales) ou des tiers (incendie, dépôt d’ordures, vol de bois, prélèvement de semences, champignons et fruits, matières premières comme sable, pierre, tourbe, humus, etc.).

La procédure pénale forestière est très particulière et donne un grand rôle à l’administration forestière. Afin d’accompagner les sanctions de mesures de réparation, en particulier de remise en état adéquate, la Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf) joue le rôle de ministère public pour ce qui concerne les contraventions au Code forestier. Dans les autres cas, elle doit donner un avis technique au procureur dans le mois qui suit la transmission de la procédure. La Draaf peut proposer des transactions qui doivent être homologuées par le procureur. Enfin, elle porte les demandes de dommages et intérêts de propriétaires forestiers lorsqu’ils ne sont ni présents ni représentés.

Cet arsenal répressif, ainsi que la présence d’agents verbalisateurs sur le terrain, participe à dissuader et protéger les milieux grâce aux mesures de remise en état prononcées dans le cadre de la constitution de partie civile.

(1) Article L.124-1 et suivants du Code forestier.