PARCS NATIONAUX

Quel bilan pour la loi de 2006 ?

 

Espaces naturels n°68 - octobre 2019

Le Dossier

Christophe Tréhet

Si la loi du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux devait ouvrir la voie à une nouvelle gouvernance entre État et communes dans les parcs nationaux, elle a été diversement accueillie. Et laisse un peu d’amertume.

Le réaménagement et la gestion du site de Babin, espace naturel protégé, associent étroitement le Conservatoire du littoral, la ville de Morne-à-l'Eau et le Parc national de la Guadeloupe. © Éric Leopold - Ville de Morne-à-l’Eau

Le réaménagement et la gestion du site de Babin, espace naturel protégé, associent étroitement le Conservatoire du littoral, la ville de Morne-à-l'Eau et le Parc national de la Guadeloupe. © Éric Leopold - Ville de Morne-à-l’Eau

La loi de 2006 a modifié le statut des parcs nationaux (qui datait de la loi du 22 juillet 1960). Depuis lors, les parcs nationaux sont en effet constitués de deux aires géographiques : un voire plusieurs « cœurs », où la protection est maximale et où, à l’instar de ce qu’étaient les parcs nationaux avant 2006, le pouvoir de décision est essentiellement détenu par l’État ; autour, une aire dite d’adhésion « définie comme tout ou partie du territoire des communes qui, ayant vocation à faire partie du parc national en raison notamment de leur continuité géographique ou de leur solidarité écologique avec le cœur, ont décidé d’adhérer à la charte du parc national et de concourir volontairement à cette protection. » Une aide financière est prévue en contrepartie des contraintes imposées à ces communes, qui se voyaient ouvrir par ailleurs les portes du conseil d’administration du parc national.
Maire de Port-Louis, commune qui a adhéré en 2016 à la charte du Parc national de la Guadeloupe en 2016, Victor Arthein voit d’un très bon oeil cette évolution législative : « Tous les élus sont appelés à participer à la transition écologique. Intégrer les communes au fonctionnement du parc est donc une très bonne chose.» Parce que Port-Louis est située au nord de Grande-Terre, à la lisière de l’aire d’adhésion, le parc « était perçu de façon distante », rapporte Victor Arthein, qui se réjouit que des liens se soient aujourd’hui tissés entre la commune et le Parc : « Les habitants de Port-Louis n’étaient pas vraiment sensibilisés à l’environnement et à la biodiversité. Les tortues marines par exemple étaient souvent dérangées lors de la ponte. L’adhésion à la charte nous a permis de bénéficier de soutiens techniques et juridiques, de faire la promotion du patrimoine, de la pêche, de l’artisanat. Et d’être plus visibles.»

CONTRAINTES ET OPPORTUNITÉS

 Autre point de vue chez Emmanuel Michau, ancien directeur du Parc national de la Vanoise où seules 2 communes sur les 29 concernées ont adhéré à la charte. « Les communes de la Vanoise sont très aménagées et ont des ressources financières importantes issues du tourisme. Elles n’avaient donc pas besoin de soutiens supplémentaires et n’ont pas vu l’intérêt d’adhérer. La charte entraînait en fait une carte des vocations des territoires, auxquels les documents d’urbanisme devaient se conformer…

Cet aspect a beaucoup gêné les collectivités. Elles ont toujours des projets d’aménagement en cours et ont voulu éviter de s’ajouter une contrainte.» Finalement, même s’il estime que la loi de 2006 posait les bases d’une nouvelle «relation contractuelle entre les communes et un parc » à même d’obtenir « l’adhésion des communes sans compromettre la protection du cœur», Emmanuel Michau a constaté qu’à la Vanoise cette politique inspirée du « modèle parc naturel régional », a plutôt détérioré les collaborations qu’entretenait le Parc national de la Vanoise avec les communes.

Au-delà de l’impact sur les relations entre communes et parc, la loi de 2006 est venue également «révolutionner la façon de travailler des agents», ajoute Emmanuel Michau. Qu’est-ce à dire ? Les équipes qui ne travaillaient jusqu’à présent que sur la gestion des milieux naturels et des espèces sauvages ont été amenées, dans les aires d’adhésion, à accompagner les élus dans les domaines économique, agricole, du tourisme, de l’aménagement. Puisque l’adhésion à la charte d’un parc national supposait la signature d’une convention de partenariat bilatérale avec chaque commune, détaillant les domaines d’intervention dans lesquels celle-ci pouvait être accompagnée. « Ce sujet est encore très sensible dans les parcs. Les agents doivent aller se confronter à de nouveaux publics et sortir de leur cœur de métier historique, pour évoluer vers celui d’un agent de PNR, analyse Arnaud Larade, responsable du pôle aire d’adhésion du Parc national de la Guadeloupe, à cela s’ajoute la crainte chez certains agents que les postes dévolus aux actions avec les communes réduisent les moyens alloués à la protection du cœur.» Une préoccupation d’autant plus légitime que la loi de 2006 est venue s’appliquer en même temps que se renforçait, avec la Révision générale des politiques publiques (RGPP) puis la Modernisation de l’action publique (Map), l’injonction de réduction des effectifs dans la fonction publique… «L’aire d’adhésion au Parc de la Guadeloupe héberge 220 000 habitants et seuls 3 agents de terrain travaillent avec les communes, détaille Arnaud Larade. Les promesses en matière de moyens humains n’ont pas été tenues puisque nous n’avons obtenu que 60 % des effectifs prévus, et nous devons encore diminuer les effectifs. Alors nous composons avec cela… Les conventions avec les communes étant renégociées tous les 5 ans, nous avisons en fonction des moyens disponibles.