Convention

Le bail rural environnemental, un outil à usages multiples

 

Espaces naturels n°57 - janvier 2017

Droit - Police de la nature

Roger Estève, chargé de mission politiques foncières, Cerema, en retraite.

Le bail rural environnemental (BRE) a été bien pris en main par les espaces naturels et s'avère un outil efficace et souple, complémentaire de l'action foncière, bien qu'il soit encore peu utilisé. C'est ce que montre une étude du Cerema*.

La gestion des abords de vigne peut faire l'objet de préconisations d'ordre écologique.

Le point de départ du processus de rapprochement entre les politiques agricoles et environnementales a pour origine le règlement de l'Union européenne de 1992 qui rend obligatoire les mesures agro-environnementales. La loi d'orientation agricole de 1999 confirme cette évolution en précisant que « la politique agricole prend en compte la préservation des ressources naturelles, la biodiversité et l'entretien des paysages ».

Mais c'est à la loi d'orientation agricole de 2006 que l'on doit la création des baux ruraux environnementaux, symbole de la prise en compte des enjeux environnementaux dans les pratiques agricoles.

Le BRE est un bail à ferme accompagné des clauses environnementales ; il garantit à l'exploitant son statut de fermier. L'introduction des clauses environnementales peut se faire à tout moment mais nécessite l'accord des deux parties (bailleur et preneur). Pour prendre en compte les contraintes d'exploitation et le manque à gagner dû aux clauses environnementales le montant du loyer peut être inférieur à celui de l'arrêté préfectoral fixant le prix du fermage. Les clauses environnementales prévues à l'article R.411-9-11-1 du Code rural et pouvant être introduites dans les BRE touchent de nombreuses pratiques culturales comme : le retournement des prairies, l' interdiction des produits phytosanitaires, la charge à l'hectare des animaux ou la reconversion en agriculture biologique… Cette diversité permet une adaptation à des problématiques environnementales multiples comme le maintien d'espèces menacées, la protection des sols, la préservation des nappes phréatiques... 

OÙ ET QUI PEUT CONTRACTUALISER UN BRE ?

La contractualisation des BRE est possible dans des cas bien précis (L.411-27 du Code rural) : 

sur le territoire national, quand le bailleur est une personne morale de droit public, une association agréée de protection de la nature, une fondation reconnue d'utilité publique, un fonds de dotation ;
à tous les propriétaires privés pour les terrains situés dans un espace naturel protégé : parc national et parc naturel régional, réserve naturelle, site Natura 2000…

La loi sur l'avenir de l'agriculture et de la pêche maritime adoptée le 13 octobre 2014 vient d'élargir le champ d'application des BRE à l'ensemble des bailleurs dès lors qu'il s'agit de maintenir des infrastructures écologiques existantes ou de bonnes pratiques. 

Les différents cas prévus par la loi : la nature du bailleur, les espaces naturels susceptibles de supporter un BRE, ainsi que la poursuite des pratiques, font que le BRE peut être largement utilisé sur l'ensemble du territoire. Mais la signature de BRE
n'est possible que sur des terrains relevant du domaine privé. Pour les terrains relevant du domaine public, la contractualisation se fait sous forme de conventions d'occupation qui ne sont pas assujetties au statut du fermage. C'est le cas des terrains du Conservatoire du littoral. 

LE BRE UN OUTIL AUX USAGES MULTIPLES

L'étude engagée par le Cerema permet d'avoir une vision relativement complète des différentes utilisations des BRE. En moins de dix ans, il a trouvé sa place dans les procédures agro-environnementales, il a même investi des champs nouveaux auxquels, à l'origine, il n'était pas destiné. La superficie actuellement exploitée sous forme de BRE est évaluée à 10 000 ha, mais dans de nombreux cas la surface exploitée reste faible de l'ordre d'une dizaine d'hectares.

LE BRE AU SERVICE DE LA PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ ET DES PAYSAGES

Les conservatoires d'espaces naturels, des associations de protection de la nature comme la Ligue pour la protection des oiseaux, les départements, les parcs naturels régionaux... ont acquis d'importants domaines ou sont gestionnaires d'espaces protégés réglementairement (Réserves naturelles, sites Natura 2000, etc.). La préservation de la biodiversité et/ou paysagère de ces territoires nécessite une gestion spécifique. La gestion de ces domaines passe souvent sous forme de BRE contractualisés avec des agriculteurs.

Dans ce cas, le BRE répond à une préoccupation première de protection de la biodiversité et des paysages. L'activité agricole devient alors un moyen permettant d'atteindre cet objectif tout en diminuant les coûts d'entretien.

LE BRE ET LA PROTECTION DE LA RESSOURCE EN EAU

La protection de la ressource en eau potable constitue un enjeu majeur pour les organismes chargés de l'approvisionnement des populations.
Le Code de l'environnement prévoit (L.132-2-2) la délimitation autour des points de captages d'un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété et un périmètre de protection rapproché où les activités sont réglementées. Dans ces zonages, si l'exploitation agricole y est possible, elle doit être exempte de tout polluant. 

Pour garantir la qualité de la ressource en eau potable, les agences de l'eau conditionnent souvent les aides aux acquisitions faites par des structures spécialisées comme les syndicats des eaux, à la mise en place de BRE. Elles peuvent aussi contractualiser directement des BRE sur leurs propres propriétés : c'est le cas de l'Agence de l'eau Artois-Picardie. Il en est de même pour des établissements publics comme Eau de Paris.

LE BRE COMME PROMOTEUR DE L'AGRICULTURE BIOLOGIQUE

Des organismes comme Terre de Liens ou l'Agence des espaces verts de l'Île-de-France se sont donnés pour vocation la promotion de l'agriculture biologique et ont mis en place des stratégies d'acquisitions foncières. Ils conditionnent l'installation d'agriculteurs sur leurs terres à la signature de BRE. De même, les parcs naturels régionaux cherchent à promouvoir une agriculture plus respectueuse de l'environnement et trouvent dans les BRE une formule adaptable à de nombreuses situations, il est proposé notamment par le Parc des marais du Cotentin, du Bessin, de Millevaches du massif des Bauges…

Pour la rédaction des clauses des BRE, il est fait référence au cahier des charges de l'agriculture biologique.

LE BRE SUPPORT DE MESURES COMPENSATOIRES

La pérennisation de mesures compensatoires suite à des travaux d'aménagement se traduit souvent par des acquisitions foncières. Quand la gestion des terrains acquis nécessite des pratiques agricoles, cela peut se faire sous la forme de BRE. Les bailleurs sont les aménageurs ; sociétés d'autoroute, Réseau ferré de France, sociétés d'aménagement, établissements publics d'aménagement... Mais souvent les maîtres d'ouvrage rétrocèdent les terrains acquis à des organismes spécialisés dans la gestion des espaces naturels comme les Conservatoires d'espaces naturels, des associations de protection de la nature, des collectivités territoriales.

Le BRE devient un outil complémentaire à l'acquisition en permettant de garantir sur le long terme (vingt à trente ans) la mise en oeuvre du cahier des charges imposé par les mesures compensatoires.

Le BRE apparaît comme un outil à vocations multiples, adaptable à différentes problématiques environnementales, mais il reste encore méconnu et a du mal à se généraliser.