Pyrénées

Appuyer son PNA sur la recherche scientifique

 
Gestion patrimoniale

Frédéric Blanc
Chargé de mission PNA desman, Cen Midi-Pyrénées
Mélanie Némoz
Chef de projet PNA desman, Cen Midi-Pyrénées

Comment articuler un plan national d’action autour de l’acquisition de connaissances et de nouvelles compétences ? C’est ce que les équipes du Cen Midi-Pyrénées ont fait autour du desman des Pyrénées. Manque de connaissances d’une part, et fortes contraintes socio-économiques d’autre part, le partenariat avec la recherche était nécessaire pour lancer des actions de conservation pertinentes. Il s’est notamment concrétisé par le recrutement de deux thésards.

Après deux ans de prospections sur le desman, les premiers résultats sont très encourageants, notamment sur des aspects de distribution des lignées généalogiques (phylogéographiques), leurs capacités de déplacement ou bien encore sur les probabilités de détection de ce petit mammifère insectivore semi-aquatique. L’ensemble des résultats va permettre de mieux affi ner les recommandations en matière de conservation de l’espèce et de ses habitats, d’être en mesure de proposer des protocoles standardisés au regard d’une problématique donnée et enfin de proposer des mesures d’atténuations. Un large partenariat s’est construit avec les producteurs d’hydroélectricité qui permet d’ores et déjà une meilleure prise en compte de l’espèce que ce soit lors de travaux d’entretien ou dans l’exploitation courante des aménagements. Pour le Cen Midi-Pyrénées, cette expérience montre qu’un rapprochement entre le monde de la recherche et les gestionnaires d’espaces naturels apporte une véritable plus-value aux programmes de conservation. Il contribue aussi au développement de nouvelles compétences en interne pour les associations. Articuler un plan national (voir page suivante) autour de l’acquisition de nouvelles connaissances et de compétences a demandé un travail préparatoire et de coordination important pour que sa mise en oeuvre soit la plus effi cace possible.
 

UN COMITÉ D’EXPERTS COMME CAUTION SCIENTIFIQUE

Dès le démarrage du PNA desman, en complément du comité de pilotage, un comité d’expert a été créé. Composé d’une dizaine de membres, il rassemble des partenaires (producteur d’hydroélectricité…), des acteurs de terrain (gestionnaires d’espaces naturels…) mais également des référents scientifi ques (chercheurs). Ce comité a vocation d’expertise technique sur les actions à mener et celles à promouvoir en fonction des orientations scientifiques relatives à la conservation de l’espèce. Dès sa constitution, il a permis l’émergence d’un fort partenariat avec le monde de la recherche et le déclenchement d’une réflexion autour des questionnements suivants :

Quel protocole, standardisé et reproductible dans le temps, peut-on envisager pour à la fois optimiser la collecte de données et répondre à de nombreuses actions du plan ? Comment traiter et valoriser au mieux ces nouvelles données ? Autant d’interrogations qui ont permis l’élaboration d’une trame de travail et la construction de deux projets de thèse en sollicitant le dispositif Cifre.

LA BOURSE CIFRE : OUTIL FINANCIER D'INTERFACE ENTRE CHERCHEURS ET GESTIONNAIRES

Cette initiative fait suite à l’expérience réussie du Cen Midi-Pyrénées concernant la première convention Cifre (Convention industrielle de formation par la recherche) entre un conservatoire et le ministère en charge de la Recherche en 2008 sur la gestion forestière et les espèces saproxyliques. Ce dispositif consiste à passer une convention entre l’Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT) et une entreprise qui reçoit une subvention finançant pour partie le salaire d’un jeune diplômé qui va se voir confier une mission de recherche. Un contrat de collaboration entre l’entreprise et un laboratoire de recherche académique est également passé. Ce dernier s’engage à encadrer les travaux du doctorant. Ainsi, à la fin de son contrat, le thésard obtient le grade de docteur tout en ayant une expérience professionnelle dans le monde de l’entreprise. Dans notre cas ce dispositif nous semblait être le plus pertinent dans la mesure où nous souhaitions, pour ces deux thèses, un caractère très opérationnel, au plus près des réalités de terrain tout en étant scientifiquement, le plus cohérent possible. Depuis 2012, deux salariés doctorants travaillent activement dans le cadre du PNA desman. L’un sur la génétique et la biologie de la conservation du desman et l’autre sur l’influence multi échelle des facteurs environnementaux dans la répartition du desman en France. Ces travaux sont menés à plusieurs échelles territoriales d’analyse : à l’échelle des Pyrénées françaises, au niveau d’un bassin versant représentatif des différents modes de gestion hydroélectrique que l’on peut rencontrer sur le massif pyrénéen et enfin à une échelle plus locale, sur un important chantier hydroélectrique impactant le fleuve Aude.

Dans la pratique : une des actions du volet « étude » du PNA concerne la réactualisation de la carte de répartition du desman à l’échelle des Pyrénées françaises. Cette action, débutée en juillet 2011, a consisté à réaliser un inventaire sur un plan d’échantillonnage de 2000 tronçons de cours d’eau répartis en deux lots distincts : un lot historique de tronçons réalisés dans les années 1990 et un lot réparti aléatoirement mais spatialement équilibré. La phase de terrain s’est terminée en décembre 2013 et a été réalisée, à l’échelle départementale, par des structures locales partenaires qui ont été préalablement formées à la mise en oeuvre du protocole. Celui-ci consiste à parcourir un tronçon de 500 mètres de l’aval vers l’amont en recherchant systématiquement des indices de présence (fèces) mais également à relever un ensemble de variables environnementales (faciès du cours d’eau…). Durant cette période, il nous semblait primordial de favoriser les rencontres entre le monde de la recherche et les acteurs de terrain. Coordinateurs du plan, chercheurs, doctorants et prospecteurs ont pu se rencontrer à plusieurs reprises lors de réunion et échanger sur les difficultés de mise en oeuvre du protocole, sur la finalité des prospections, sur leur retour d’expérience. Les échanges, très fructueux, se sont matérialisés via une liste de diffusion, une lettre d’information et des bilans d’étape. La mise en oeuvre de ces outils de coordination a contribué à faciliter la mise en oeuvre de ce protocole relativement complexe.