>>> Véhicules à moteur dans les espaces naturels

Vers une sanction éducative

 
Plutôt que l’amende, la Manche choisit le stage
Droit - Police de la nature

Didier Donadio
Office national de la chasse et de la faune sauvage Délégué régional Nord-Ouest

 

La fréquentation de la nature au moyen de véhicules motorisés n’a cessé de croître au cours de ces deux dernières décennies. La loi de 1991 cadre pourtant l’exercice de ce loisir. Les contrevenants s’exposent à de lourdes amendes (1 500 euros) et à la mise en fourrière de leur véhicule. À l’occasion du suivi judiciaire de ces infractions, plusieurs procureurs de la République, notamment du Nord-ouest, ont choisi d’enrichir la palette de leur action répressive d’une touche de pédagogie.

Pour recouvrer les points de son permis de conduire, il est fréquent de recourir à un stage de sensibilisation et de remise à niveau de ses connaissances. Le caractère didactique de cette démarche a inspiré une transposition aux infractions commises en matière de police de l’environnement. Ainsi, fin 2004, les procureurs de la République de Coutances et Avranches (Manche) ont permis d’appliquer ce type de répression aux contraventions relatives à la circulation des véhicules à moteur dans les milieux naturels : le procureur peut proposer (Code de procédure pénale article 41-2) une formation d’une journée aux auteurs de délits ou contraventions qui l’acceptent.
Pour ce faire, le parquet a signé une convention avec l’Office national de la chasse et de la faune sauvage ; l’ONCFS s’est engagé à élaborer différents modules thématiques traitant des dispositions législatives et réglementaires en matière de protection de la nature.
Plutôt un stage. Après réception des procès-verbaux, et s’il l’estime opportun, le procureur propose donc à l’auteur de l’infraction de suivre cette formation payante en lieu et place d’une convocation devant le tribunal. Son coût a été fixé par les procureurs manchois à 250 euros. Dès que sept ou huit personnes peuvent être rassemblées, l’ONCFS convoque les intéressés.
Aujourd’hui, une trentaine de candidats ont suivi ces stages. Huit d’entre eux ont été verbalisés pour avoir roulé en dehors des voies ouvertes à la circulation.
Le choix de cette solution éducative repose principalement sur le contexte difficile d’application de cette législation. En effet, le cadre juridique propre à ces sports en vogue est encore mal connu et, par ailleurs, les adeptes de ces activités trouvent cette loi liberticide.

De la théorie à la pratique. Le matin de la formation, on aborde la théorie. On apprend les grands principes réglementaires, la notion de voie ouverte à la circulation, les règles de bonne conduite, les pouvoirs des maires, etc. L’après-midi est consacrée à la découverte de l’incidence de ces pratiques motorisées sur les milieux. Pour cela, l’ONCFS s’est tourné vers son partenaire : le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres. Les stagiaires rencontrent le gestionnaire d’un espace naturel sensible qui leur fait découvrir les espèces remarquables présentes, les conséquences des nuisances motorisées ainsi que les aménagements effectués pour canaliser la fréquentation humaine. Cette présentation est rémunérée par l’ONCFS ; le gestionnaire d’une réserve naturelle ou d’un parc national pourrait l’assurer de manière tout aussi efficace.
En fin de journée, une attestation de présence à transmettre au parquet est remise à chaque participant.

Effets. L’effectif de contrevenants est encore trop faible pour évaluer l’intérêt de cette mesure. Cependant, il est intéressant d’observer que dans le Nord-Ouest et jusqu’alors, toutes les personnes à qui l’on a proposé un stage l’ont accepté. Elles s’assurent ainsi de ne pas comparaître devant un juge à même de prononcer la confiscation de l’engin utilisé en sus d’une amende dont le montant est susceptible d’atteindre six fois le coût de cette formation.
Par ailleurs, depuis 2004, ce dispositif a été étendu à d’autres régions de France, notamment en Poitou-Charentes où l’ONCFS a passé des conventions du même type. Au regard des procureurs de la République, ce stage apparaît en outre comme une réponse pénale ne nécessitant aucun audiencement.
La démarche est aussi, indéniablement, éducative : le contrevenant s’acquitte de sa dette en apprenant à concilier son loisir motorisé et le respect de la nature.