>>> État de la jurisprudence

Quel statut pour les Znieff ?

 
Droit - Police de la nature

Florence Clap
Natur-ae - Bureau d’études de la nature et de l’environnement - Ingénieure conseil en environnement

Les Znieff ne constituent pas une mesure de protection réglementaire. La jurisprudence confirme cependant qu’elles doivent être prises en compte dans les projets d’aménagement.

Depuis 1995, on recense plus de quatre-vingts recours contre des projets d’aménagement du territoire dans des zones inventoriées en Znieff (Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique). L’analyse de ces recours nous informe que cette jurisprudence n’est pas encore stabilisée. Pour le juge administratif, le fait qu’un espace ait été répertorié en Znieff (inventaire des richesses du patrimoine naturel national), n’atteste pas toujours de son réel intérêt écologique. Son opinion est davantage forgée sur la présence d’espèces protégées, d’activités humaines, d’urbanisation ou sur le caractère plus ou moins naturel de la zone plutôt que sur la désignation comme Znieff en elle-même.
Par ailleurs, si certains textes1 sont ambigus quant à la nature juridique des Znieff, la jurisprudence confirme que cet inventaire ne constitue pas une mesure de protection réglementaire. Un espace inventorié en Znieff ne bénéficie d’aucune protection spécifique : ce zonage n’interdit pas
les autorisations d’aménagement. En revanche, la mention d’une Znieff et sa description doivent être établies dans tous les dossiers accompagnant les documents d’aménagement de l’espace (Plu, étude d’impact, autorisation de défrichement...) : à défaut, ces documents sont entachés, la plupart du temps, d’un vice substantiel.
Mais si l’aménagement concerné est susceptible d’entraîner des dommages sur la Znieff, les mesures compensatoires proposées dans les dossiers d’aménagement l’emportent souvent sur la nécessité de limiter ou de réduire les impacts ; en outre, ces mesures compensatoires sont rarement détaillées dans les décisions, de sorte qu’il n’est pas aisé d’en connaître la pertinence potentielle. Dans certains cas, pour apprécier sa légalité, le juge administratif se livre à une comparaison des coûts et des avantages que représente l’opération d’aménagement envisagée 2. Il établit le plus souvent une hiérarchisation de valeurs entre différents intérêts : économiques, sociaux et environnementaux. Souvent au détriment de ces derniers3 ; mais parfois à leur avantage lorsque le juge estime que des techniques alternatives d’équipement sont possibles4.
Perspectives....
L’actualisation et la modernisation5 de l’inventaire des Znieff devraient conduire le juge à considérer plus systématiquement la Znieff comme indice incontestable de valeur patrimoniale d’un espace donné. En outre, la valeur constitutionnelle donnée à la charte de l’environnement devrait conduire les juges à prendre en compte les intérêts environnementaux au même titre que les autres intérêts. Enfin, certains arrêtés fixant des listes d’espèces protégées6, dans leur rédaction récente, interdisent directement la destruction des milieux naturels propres aux espèces protégées. Dès lors que l’inventaire Znieff atteste de la présence de ces espèces, leur habitat est par conséquent protégé ipso facto. Cet inventaire devrait, à terme, pouvoir devenir un réel outil d’aide à l’aménagement du territoire.

1. Circulaire n° 91-71 du 14 mai 1991 relative aux Znieff (non publiée au JO) du ministère de l’Environnement.
2. Cette méthode, appelée « théorie du bilan », est appliquée le plus souvent pour des recours concernant des projets déclarés d’utilité publique.
3. C’est le cas de six décisions de justice. Exemple : Conseil d’État, 2 juin 2003, n° 249321.
4. Conseil d’État, 9 juin 2004, n° 254691.
5. Cette actualisation a été initialisée en 1995 par le ministère chargé de l’Environnement mais n’a été achevée que pour trois régions françaises.
6. Arrêtés du 16 décembre 2004 concernant les mammifères, les mollusques, les amphibiens, les reptiles et les insectes. Arrêté du 20 décembre 2004 concernant la faune marine. Arrêté du 14 octobre 2005 concernant les tortues.