Passez à la communication interactive

 
Une ONG néerlandaise déploie une formation-action pour les acteurs de l’environnement
Vu ailleurs

Aysegül Cil
European centre nature conservation - Pays-Bas Centre européen pour la protection de la nature
Lawrence Jones-Walters
European centre nature conservation - Pays-Bas Centre européen pour la protection de la nature
 

La communication instrumentale peut fonctionner pour un produit alimentaire mais la protection de la biodiversité réclame un autre type de savoir-faire : la communication interactive. Expert en la matière, le Centre européen pour la protection de la nature1 (ONG néerlandaise) intervient sur divers chantiers européens.

Les décisions concernant l’utilisation des terres et des ressources naturelles sont, de plus en plus souvent, prises dans un processus de consultation et de négociation dans lequel figurent des acteurs aux intérêts divergents. Savoir communiquer, dans le cadre d’une approche participative visant à définir des objectifs en commun, est alors devenu essentiel ; une situation conflictuelle peut, en effet, entraver la mise en œuvre d’une politique de protection de la nature.
Une ONG néeranlandaise, le Centre européen pour la protection de la nature1, intervient dans divers chantiers européens. Elle intègre la communication interactive dans ses expertises. De quoi s’agit-il ?

Changer de paradigme. Naïvement, le « modèle » implicite qui sous-tend la communication suppose un émetteur et un récepteur : l’émetteur envoie un message au récepteur et attend qu’une réaction en résulte. Connue sous le nom de communication instrumentale, cette démarche peut être comparée au fonctionnement d’un pylône de radio qui envoie un signal à un poste récepteur. En réalité, l’émetteur n’a aucune idée de ce que le récepteur a compris, ni s’il a entrepris l’action désirée, ni comment il l’a effectuée.
C’est trop souvent cette approche qui est appliquée en Europe lors de processus de consultation appliqués aux stratégies de planification, régionale, locale ou encore aux stratégies de gestion pour les sites Natura 2000. Or, si ce mode de communication instrumentale fonctionne bien pour Coca-Cola, il est beaucoup moins efficace pour transmettre un message concernant la biodiversité : une approche différente s’avère nécessaire pour faire adopter et mettre en pratique les politiques et programmes.
Essentiellement, il faut changer de paradigme et passer d’un mode de communication instrumental à une approche participative impliquant les parties prenantes dans la définition des objectifs et de la politique appropriée pour les atteindre.
L’application de telles méthodes augmente de façon significative la responsabilité prise par les acteurs concernés. La réalisation d’objectifs et d’activités sur le terrain s’en trouve améliorée et facilitée.

Adapter les outils aux cibles. Passer à cette communication interactive suppose de montrer du discernement sur le choix du public à viser, d’être très clair sur le message à faire passer et d’opter pour des moyens de communication appropriés.
Il semblerait par exemple, que les décideurs passent en moyenne moins de quatre minutes pour lire un document. Nous en conclurons que le contact direct est sans doute le moyen le plus efficace pour leur transmettre des messages et communiquer avec eux ! Cela implique de passer beaucoup de temps et de faire des efforts importants pour établir des relations et même pour arriver à mettre un pied dans leur bureau !
De même, on ne doit pas oublier les efforts considérables qu’il convient de déployer pour organiser des réunions et faire en sorte que les gens y assistent.
En conséquence, lors des réunions avec les collectivités, il vaut mieux engager un animateur ; en outre, le fait que l’animateur ne soit pas directement concerné par les enjeux est un avantage supplémentaire.
Pour parvenir à ses fins, il faut, enfin, désigner un pilote. Cette personne doit sacrifier du temps et de l’énergie ce qui, dans le cadre de notre environnement de travail, demande beaucoup d’engagement. Pourtant nous savons que c’est possible ; certains l’ont fait, souvent avec des résultats extrêmement positifs.
L’approche financière doit également être prise en compte. Des instruments tels les mesures agro-environnementales ne doivent pas être négligés. L’échange sur ces sujets s’avère d’ailleurs très efficace pour ouvrir les voies d’une communication avec, par exemple, les propriétaires fonciers préoccupés par la gestion de leurs terres.

En Croatie et Macédoine. Nombre de pays en Europe du Sud-Est ont une tradition d’enseignement écologique et environnemental. Ils n’ont pas pour autant de savoir-faire routinier en matière de stratégie de la communication appliquée à la résolution de problèmes. Des conflits et malentendus peuvent alors rapidement survenir, notamment lors de la désignation de parcs naturels et la gestion d’aires protégées.
En Croatie et en Macédoine, un projet, financé par le gouvernement norvégien consistait à tenter de renforcer leurs compétences dans le domaine de la communication et de l’implication des acteurs locaux.
La démarche suivie (la plus efficace) a consisté à conjuguer le point de vue de spécialistes de la communication et l’expertise des personnels de terrain ayant l’expérience des acteurs concernés.
La méthode « apprendre en faisant » a permis aux participants d’appliquer les enseignements retirés d’une formation-action sur des projets pilotes, mis en œuvre de manière interactive et stimulante.
Les experts occidentaux n’ont pas cherché à jouer un rôle directeur ; ils ont encouragé les participants à mener le jeu, leur donnant des conseils et les encadrant lorsqu’ils en exprimaient le besoin.
Pendant les phases de mise en œuvre (2005-2008), le projet a :
• développé et appliqué un programme pour l’intégration des parties prenantes aux sites pilotes sélectionnés ;
• créé, dans le pays, une infrastructure pour le renforcement des compétences, notamment en mettant à disposition des documents de référence et de la formation de formateurs (deux personnes dans chaque pays) ;
• assuré le lancement de programmes de renforcement des compétences, gérés
par des organismes nationaux, sans aide de l’extérieur.

On retiendra. La mauvaise communication entre les acteurs impliqués dans la gestion de l’environnement peut avoir des effets négatifs sur le processus décisionnel. Il en résulte une incapacité à se fixer des objectifs et à agir efficacement. Si nous voulons réaliser une gestion réellement « intégrée », c’est-à-dire produisant des paysages multifonctionnels, ayant des bénéfices pour les êtres humains, créant des emplois et protégeant la nature, il faudrait mieux communiquer ! Aussi il est essentiel pour les défenseurs de l’environnement (gouvernementaux et non gouvernementaux) d’être capables de formuler leurs intérêts d’une manière convaincante. La démarche expérimentée en Croatie et en Macédoine montre que l’amélioration des capacités individuelles d’animation et de communication peut devenir une contribution majeure, aidant à obtenir les meilleurs résultats possibles dès le processus décisionnel.

1. ECNC - European centre for nature conservation.

En savoir plus
Communiquer et négocier pour la conservation de la nature. Cahier technique n° 68, ECNC, Aten, 2002.