Panier de biens

 

Espaces naturels n°39 - juillet 2012

Des mots pour le dire

Amédée Mollard
Directeur de recherche UMR Inra-Gael, université Pierre-Mendès-France (Grenoble).

 

Qui donc peut accepter – et pourquoi – de payer près de 20 e le litre d’huile d’olive AOC de Nyons, quand une huile d’olive standard de qualité comparable se vend quatre fois moins cher ?
C’est à partir de cet exemple emblématique que nous avons commencé nos recherches dans la région des Baronnies : cette huile spécifique, issue des oliveraies les plus septentrionales d’Europe (variété tanche), possède une grande notoriété traditionnelle. Son prix est plus élevé que celui des huiles d’olive standard équivalentes, mais aussi des huiles de qualité Terroir. Label rouge en 1966, appellation d’origine en 1968, puis AOC en 1994, son prix n’a cessé d’augmenter tout au long de ce processus de différenciation.
Mais il y a plus. D’autres produits, ancrés dans le même territoire, ont aussi des prix durablement supérieurs à ceux d’une offre comparable provenant d’une origine géographique différente.
Autour de l’huile d’olive, le produit leader, se sont peu à peu agrégés d’autres produits et services de qualité, qui se renforcent mutuellement et constituent ensemble un « panier de biens » : vins de pays de cépage, lavande fine AOC, huiles essentielles ou tilleul, auxquels s’ajoutent des prestations et services recherchés : tourisme vert, soins et hygiène (plantes médicinales, thalassothérapie…), services paysagers et environnementaux attractifs (faibles densités, terrasses d’olivier…) combinés avec un climat et un patrimoine appréciés. Cet ensemble de ressources territoriales de qualité prend corps autour de l’huile d’olive, mais génère des différentiels de prix positifs et des rentes pour ces produits ou services liés.
Le panier de biens est complexe : c’est une combinaison interactive entre produits de terroir et environnement que cherche le consommateur. À travers le panier, c’est tout le contexte et l’image du territoire que le consommateur achète, et c’est cela qui génère une rente plus élevée que la simple somme des surplus de chaque produit.
Cette rente revient aux producteurs et, au-delà, à l’ensemble des acteurs d’un territoire qui contribuent à lui donner une image positive. D’où l’exploration du concept de « rente de qualité territoriale » qui combine à la fois l’approche territoriale, branche de l’économie spatiale, et l’approche par la qualité, branche de l’économie industrielle, jusqu’ici séparées. Cela constitue la base possible d’un modèle général de développement des territoires ruraux fondé sur la qualité de leurs produits et services, couplée avec celle de l’environnement et des services non marchands. •