Loire grandeur nature : enseignement d’un plan fleuve

 
Aménagement - Gouvernance

Pascal Danneels
Fédération des conservatoires d’espaces naturels

 

Le troisième volet du plan Loire s’achève. Vingt ans après son lancement, les gestionnaires impliqués dans le projet l’analysent et ouvrent des perspectives.

Né en 1994, après une période de conflits autour des projets de barrages, le plan Loire grandeur nature est le principal plan fleuve de France. C’est également le plus ancien (voir encart). Le plan Loire aspire à une gestion globale du fleuve et cherche à rassembler les acteurs concernés : État, collectivités, associations environnementales, usagers. C’est ainsi que, progressivement, il s’est attaché à concilier prévention des inondations, préservation des milieux naturels, mise en valeur du patrimoine culturel et paysager.
En 2006, une large concertation fait entrer le plan Loire dans sa troisième phase. Dotée d’ambitions nouvelles, elle veut renforcer l’implication des territoires et des acteurs mais aussi élargir les enjeux pris en compte. La gouvernance est renforcée. Six grands volets sont retenus, animés autour de plates-formes thématiques.
Parmi elles, la plate-forme Eau, espaces, espèces se positionne du point de vue des espaces naturels (1). Elle cherche à amplifier les acquis des phases antérieures. Et notamment du programme Loire grandeur nature, fait d’expérimentations localisées sur cinquante secteurs.
L’action s’articule autour de plusieurs thématiques comme la préservation des têtes de bassin, la biodiversité, l’espace de mobilité, les vallées alluviales, les plantes invasives, les poissons migrateurs.
Les espaces naturels sont également pris en compte dans le cadre de la plate-forme Recherche, données, informations. Une autre plate-forme est consacrée à l’estuaire.

Élément d’un bilan. La dimension quantitative n’est pas le seul critère pertinent pour évaluer la réussite d’un projet, loin s’en faut. Mais l’implication d’un maximum d’acteurs était l’un des objectifs recherché. En six ans (2007 à 2012), plus de deux cents projets sur les neuf régions du bassin de la Loire ont été mis en œuvre dans le cadre de la plate-forme Eau, espaces, espèces. Parmi eux une centaine de projets récurrents témoignent de la dynamique de l’action.
Du reste, le nombre et la diversité des porteurs de projets ont fortement augmenté. Parmi eux : des gestionnaires d’espaces naturels (LPO, Conservatoires d’espaces naturels, parcs naturels régionaux), fédérations de pêche, collectivités (départements, communes…) ou encore syndicats de rivières…
De ce point de vue, le plan Loire a permis de renforcer la dynamique d’acteurs. On observe avec satisfaction que la problématique des plantes envahissantes est désormais traitée par des réseaux coordonnés à l’échelle du bassin et en régions.
Le plan Loire a permis des avancées en matière de gestion intégrée au travers de contrats croisant plus fortement les enjeux eau et biodiversité. Il a également autorisé une meilleure prise en compte des question de fonctionnalités des cours d’eau et des zones humides.
Les territoires à enjeu ont été confirmés, en particulier sur les grandes vallées alluviales. Pour les têtes de bassin en particulier, bien que le nombre de projets reste restreint au regard des enjeux, le plan Loire a eu un rôle d’impulsion, notamment sur le massif central.

Critique. Le plan Loire appelle pourtant des critiques. Il est loin d’avoir pris en compte l’ensemble du bassin hydrographique. Au niveau des vallées, l’action reste fortement centrée sur l’axe Loire et le nombre de projets sur les affluents demeure limité. Les actions en faveur de la biodiversité ont privilégié la mise en œuvre de Natura 2000 sans réelle plus-value.
Au niveau du maintien de la dynamique fluviale et la préservation d’espaces de mobilité, les enjeux sont maintenant bien identifiés sur l’Allier et la Loire bourguignonne, mais on peut regretter le manque de mobilisation des acteurs pour amplifier l’action en matière d’acquisition foncière et de restauration de zones de mobilité.
Pour l’estuaire, enfin, il reste encore de gros enjeux pour rétablir un fonctionnement hydraulique et hydrosédimentaire satisfaisant.
Malgré les dynamiques mises en place et les moyens financiers disponibles, le plan Loire s’est aussi accompagné de contraintes dont une lourdeur de la gouvernance. Les porteurs de projets ont rencontré des difficultés de montage des dossiers. On note des problèmes d’articulation avec les politiques publiques en faveur de l’eau et la biodiversité ou encore le cloisonnement des thèmes et des plates-formes.
Des limites ont donc été atteintes dans le déploiement de certaines actions ou l’implication d’un plus grand nombre d’acteurs : la plus-value aurait pu être plus importante.

Poursuivre. À la fin de cette troisième phase, même si le bilan est partagé, la poursuite d’une telle démarche est appelée par de nombreux acteurs. En effet, la dimension bassin est pertinente pour traiter les problématiques concernant les axes fluviaux et les continuités écologiques. Elle permet également de renforcer la solidarité amont-aval, et de développer des synergies entre les acteurs et politiques publiques.
Par ailleurs, les enjeux de fonctionnalité des milieux aquatiques et de biodiversité ont trouvé une réelle place aux côtés du volet principal relatif à la prévention des inondations.
L’avenir des plans fleuves n’est pas encore connu car fortement lié à la décentralisation et à la mise en œuvre des fonds européens. Il faut souhaiter que les acquis et les dynamiques ainsi créées puissent se prolonger sur la Loire et sur d’autres bassins… •

­­­1. Pilotage assuré par l’Agence de l’eau Loire-Bretagne avec l’appui de la Fédération des conservatoires d’espaces naturels.