Iris, un chien au flair précieux

 

Espaces naturels n°59 - juillet 2017

Portrait

Christophe Trehet

Une récompense pour chaque crotte d'ours trouvée

© Jérôme Sentilles

© Jérôme Sentilles

Jusqu'à il y a peu, Iris était encore unique dans son genre dans toute l'Europe. Celle qui arpente, aux côtés de Jérôme Sentilles de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), les pentes des montagnes pyrénéennes le nez au vent, est une chienne de race berger belge malinois. Mais Iris n'est pas un chien pisteur tel qu'on a l'habitude d'en connaître chez les chasseurs par exemple. Lorsqu'elle trouve ce qu'elle cherche, elle se couche et aboie en direction de « l’objet » recherché, sans agressivité. Elle joue plus qu'elle ne traque. Ce qu'elle déniche n'est pas forcément attirant, mais regorge néanmoins d'informations très utiles : des crottes d'ours.

Pour quelle raison l'ONCFS s'intéresse-t-il tant à ces déjections  ? «  On suit la population d'ours des Pyrénées au moyen d’indices indirects divers, principalement par le biais de la génétique, et auparavant, pour obtenir du matériel biologique, on installe des pièges à poils. Mais il y a de plus en plus de mélange de poils, entre une femelle et ses oursons par exemple, ce qui complique le travail d'analyse. Alors nous nous sommes reportés sur les crottes  », explique Jérôme Sentilles. Mais il n'est pas simple pour l'homme de les repérer. « On n'en trouvait que trente par an avant l'arrivée d'Iris, maintenant nous en trouvons six fois plus...  » se rappelle l'animateur du réseau « Ours brun » des Pyrénées centrales. Le flair de son chien partenaire révolutionne cette technique  : «  lorsqu'on a commencé avec Iris, en 2014, on enregistrait 13 % de sorties positives (au cours desquelles on trouve au moins un exemplaire de ce que l'on cherche, ndlr), et on a atteint 46 % en 2016. C'est considérable ! » Lorsque la recherche peut être menée dans des conditions optimales, c'est-à-dire face au vent, Iris repère des déjections jusqu'à 100 m de distance. En revanche, si le vent est contraire, elle peut passer à côté sans rien sentir... !

RAPIDITÉ

Le flair très sensible d'Iris discrimine les crottes d'ours de celles d'autres espèces, ce qui est essentiel dans les espaces où l'ours n'a pas encore été repéré. Jérôme Sentilles et son chien sont également sollicités par les services préfectoraux lorsqu'une attaque d'ours sur un troupeau ou un rucher a été déclarée, en vue d'une indemnisation. « Lorsqu’une crotte est trouvée sur les lieux d’un dommage par un agent de constatation ou par un berger, il faut souvent donner une réponse rapide sur son appartenance ou non à l’ours et l'analyse génétique peut prendre plusieurs mois », raconte l'agent de l'ONCFS. C'est là qu'Iris entre en jeu, au sens propre comme au figuré. La crotte collectée est alors transmise à Jérôme Sentilles qui la dépose ailleurs dans la nature ou dans un champ à proximité du bureau, attend 24 heures que son odeur disparaisse et lâche Iris à sa recherche : « si elle marque la crotte, c'est que c'est de l'ours ! Et on ne déplore jusqu'à présent aucune erreur de sa part, le test génétique confirme toujours ce qu'elle a révélé. » Après chaque bonne action et pour chaque crotte d’ours trouvée, ce jeu d'enquête se termine toujours par 1 à 2 minutes de jeu avec sa balle préférée.

La recherche de crottes ouvre par ailleurs de nouvelles perspectives dans le travail de l'ONCFS et de ses partenaires. Elle permet d'affiner l'étude des populations d'ours au travers de celle de leurs hormones. Le processus d'endozoochorie, qui consiste dans la dissémination de graines via le tube digestif d'un animal, peut aussi être appréhendé par cette voie d'investigation.

COMPLICITÉ

«  Iris me suit partout, au bureau, en montagne et jusqu'à chez moi où elle vit le reste du temps », explique Jérôme Sentilles. Une profonde complicité s'est nouée entre lui et son chien, qu'il a dressé dès l'âge de deux mois, assisté d’un dresseur professionnel (Patrick Delrieu, ancien formateur pour la police de Blagnac) et inspiré par une technique mise au point, il y a près de vingt ans, par une équipe américaine du « Center for Conservation Biology – University of Washington, USA ». Bientôt, l'équipe de l’ONCFS du Var accueillera un chien homologue à Iris, celui-ci pour repérer les crottes de loup