L’intensification écologique en agriculture

 
Des mots pour le dire

Par Michel Griffon, agronome, économiste
Auteur de Nourrir la planète chez Odile Jacob et Qu’est-ce qu’une agriculture écologiquement intensive ? chez QUAE.

En utilisant le terme intensification accolé à celui d’écologie, on peut s’attendre à des incompréhensions voire à de l’agressivité. Il n’y a pourtant aucune provocation dans cet assemblage, seulement une logique purement scientifique.
Voyons plutôt.
Notre biosphère est soumise à rude épreuve et son avenir peut être sombre : déforester, désertifier et réduire fortement la biodiversité pour faire place à des grandes  cultures alimentaires destinées à nourrir le bétail afin de remplir notre envie immodérée de viande, ou faire place à des cultures énergétiques pour remplacer les carburants liquides fossiles… Le risque est très grand.

Peu d’agronomes ont réalisé des calculs sur la capacité de la biosphère à produire assez pour tous les usages que nos sociétés additionnent imprudemment pour demain. Quand on se livre à cet exercice, on constate que la voie est très étroite entre des catastrophes écologiques et des catastrophes alimentaires. Mais il y a au moins une certitude, celle qu’il faut produire plus sur les surfaces déjà mises en culture pour épargner le reste. Mais produire plus – donc accroître les rendements - de manière durable. Il faut donc intensifier la production par unité de surface. Mais l’intensification pratiquée jusqu’ici s’est faite en accroissant les engrais chimiques, l’énergie fossile et les produits phytosanitaires, au risque d’atteintes graves à l’environnement. Après une réflexion longue, quelques agronomes proposent depuis une dizaine d’années d’intensifier les mécanismes écologiques, c’est-à-dire d’utiliser au maximum les capacités des écosystèmes à produire selon les lois scientifiques de l’écologie. Une autre appellation est l’agroécologie, sustainable intensification en anglais. Les idées sont voisines. Il s’agit de considérer les systèmes productifs comme des écosystèmes, d’en amplifier les fonctionnalités utiles, d’en valoriser les services écologiques, de les « intégrer » les uns aux autres pour obtenir des synergies, de les diversifier biologiquement et de proposer des inventions productives qui soient mimétiques de ce que le vivant a créé. L’espace d’innovation intellectuelle ainsi créé est tout à fait considérable. Il est à la source d’une nouvelle ingénierie écologique dont de nombreux agriculteurs, éleveurs, arboriculteurs, viticulteurs et horticulteurs sont déjà des utilisateurs inventifs.

Voir colloque Sup Agro sur le sujet