Expérience pilote au Bénin

Gestion intercommunale d’une lagune côtière

 
Vu ailleurs

Jean-Marc Sinnassamy
Conseiller technique auprès du ministère chargé de l’Environnement en république du Bénin.

 

Mettre en place une gestion durable de la lagune côtière du Sud Bénin, tel est l’objet du projet Lagune mis en œuvre depuis 2003 par l'Agence béninoise pour l'environnement et appuyé par la Fédération des parcs naturels régionaux. Dans un contexte où l’intercommunalité est méconnue, un Conseil intercommunal d'éco-développement a été mis en place. Dans un premier temps, son rôle a consisté à s’entendre sur une charte de protection et de gestion durable de la lagune. Depuis deux ans, la démarche s’appuie sur la formation, l’échange et la concertation…

Intercommunalité et concertation, quelle est la spécificité d’une telle démarche au Bénin ?
Les institutions démocratiques du Bénin sont récentes. Le pays a acquis son indépendance en 1960, il a traversé une période d’instabilité avant de connaître un régime d’inspiration marxiste-léniniste jusqu’à la fin des années 1980. En 1990, le Bénin a adopté une constitution de type libéral et organisé des élections présidentielles. Le ministère en charge de l’Environnement, par exemple, date de 1992. Quant aux premiers maires élus, ils ont pris leur fonction en février 2003. L’histoire et la culture du pays modèlent bien évidemment les esprits et les manières de faire. Le rôle principal du conseiller technique est de fournir de la méthode : pour définir des stratégies, faire des choix, promouvoir le travail d’équipe, la circulation de l’information, la gestion du temps… Mais il est important que le projet soit mis en œuvre par des structures béninoises. Le conseiller intervient en appui. Dans le contexte donné, ce n’est pas toujours facile.
Le projet Lagune a commencé alors que les maires prenaient tout juste leur fonction. L’intercommunalité devait être loin de leur préoccupation…
C’est pourquoi, à la demande des maires, nous avons ajusté le projet en travaillant à l’échelle communale. L’Agence béninoise pour l’environnement1 a ainsi conduit des schémas d’aménagement et des plans de développement des communes. Ensuite, l’intercommunalité s’est imposée d’elle-même dans le débat pour protéger la lagune. En France, nous baignons dans l’intercommunalité. Un centre de traitement des déchets ici, un équipement d’accueil du public piloté par un syndicat mixte là. Au Bénin, la situation est très différente. L’intercommunalité est théoriquement rendue possible, cependant les décrets ne sont pas encore parus. Il nous a fallu faire preuve d’imagination et proposer nos propres statuts pour les structures ou pour la charte de protection et de gestion durable de la lagune.
Tester l’intercommunalité est assurément l’un des grands défis du projet. Les retombées sont d’ailleurs intéressantes car les élus ont été sensibilisés à des compétences, peu évidentes, d’aménagement du territoire, de gestion et de protection des ressources de la nature. Ces notions souvent floues, voire technocratiques, sont pourtant essentielles dans ce pays où la majorité de la population dépend directement de la disponibilité des ressources naturelles.
Faire travailler ensemble élus, administrations, socioprofessionnels, associations, chefs traditionnels… ce n’était pas gagné…
Il est vrai que les institutions ne sont pas encore bien en place et qu’il est toujours difficile de savoir si l’on a réuni les bons interlocuteurs. Il y a des personnes et des organisations qui gravitent dans les sphères de décision, mais il y a, aussi,
des pouvoirs moins apparents, dans les
villages, sans qui rien n’est possible. Il faut du temps pour les approcher et essayer de comprendre le type de règles et de relations qu’ils nouent.
Parlez-nous de la démarche…
Nous avons débuté en 2003 avec un petit cercle d’acteurs : l’Agence béninoise pour l’environnement, les maires, les unions de producteurs, des ONG sur la pêche, sur la promotion de la femme, sur la défense de l’environnement. Pour aller vers les communautés, une mission a été confiée aux premières associations impliquées pour qu’elles retranscrivent, elles-mêmes, la démarche, les concepts et les questions soulevées. Le cercle s’est élargi progressivement à davantage d’acteurs institutionnels, aux élus de terrain et aux groupements. Au-delà des approches participatives, c’est tout le projet qui a été abordé comme un processus de concertation pour partager la connaissance et pour donner la parole à un maximum d’acteurs.
Avez-vous l’impression que le projet a pris son envol ?
Il y a eu un déclic lorsque le président du Conseil intercommunal, le maire de Grand Popo, a pris son bâton de pèlerin pour faire le tour de tous les conseils communaux. Dans chaque commune, il a organisé des débats et a prolongé le dialogue lors d’ateliers avec les services de l’État.
Un tel projet aura-t-il une suite ?
Sur les résultats, il faut rester modeste. Tout reste très fragile. Nous travaillons actuellement sur la pérennisation du dispositif… Un chantier loin d’être simple… Les solutions sont aux mains des élus et des acteurs locaux, mais elles dépendent aussi de l’État et de la poursuite du processus de décentralisation. La suite du projet Lagune pourrait passer par une mise en relation directe entre le Conseil intercommunal
d’éco-développement et un ou plusieurs Parcs naturels régionaux. La coopération française compte beaucoup sur ce type d’échanges pour prolonger des projets.

1. Plus connu à l’international sous le nom d’ABE.