Etudier la fréquentation : un préalable à la gestion

 
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Karine Pothin
directrice adjointe GIP RNMR

L’étude de la fréquentation initiée en 2010 sur le périmètre de la Réserve nationale marine de La Réunion (RNMR) est fondamentale pour une meilleure compréhension des usages sur l’aire marine protégée et a permis de focaliser les actions du plan de gestion sur une évaluation écologique des sites les plus fréquentés.

© A. Lemahieu 

L’étude de la « fréquentation » littorale pose la question de la durabilité des ressources dans un contexte de fort accroissement de l’attractivité de ces espaces balnéaires à forte connotation de qualité paysagère. En interagissant avec le milieu, elle peut provoquer des déséquilibres. Aussi, le concept de fréquentation s’aborde-t-il souvent sous l’angle de la problématique de la « capacité de charge » d’une plage ou encore de dégradation des écosystèmes. L’objectif était d’élaborer et de tester un protocole de suivi (*) de la fréquentation de l’AMP et de ses marges, qui soit pérenne, reproductible et intégrable au plan de gestion. Par le biais de survols en ULM, le gestionnaire peut facilement parcourir les plages, les « lagons » et les pentes externes des côtes ouest et sud-ouest de l’île. L’analyse spatio-temporelle a été réalisée à l’échelle des deux saisons australes (été et hiver) entre janvier et septembre 2010, à différents pas de temps : vacances/hors vacances ; semaine/weekend ; matin/ après-midi. Elle a permis de suivre 22 usages : des usages directs (comme la pêche traditionnelle, la pêche sous-marine, la pêche professionnelle, la plongée..) et des usages semi-directs (comme le snorkelling (palmesmasque- tuba), la baignade, le footing, le piquenique, les sports nautiques, le jet ski…).
 

SUR CERTAINS SITES, LA FRÉQUENTATION A DOUBLÉ

L’étude a démontré également que la fréquentation suivait une répartition temporelle variée selon les usages (voir page suivante). Ce travail est aujourd’hui poursuivi par une thèse de doctorat sur le sujet (A. Lemahieu). Ainsi, depuis 4 ans, l’évolution de la fréquentation est évaluée avec pas moins de 14 usages et sous-usages étudiés. Les résultats montrent une évolution constante de la fréquentation de divers périmètres de baignade et la désertion de plusieurs d’entre eux.

Par exemple certains sites se démarquent avec une forte fréquentation tel le site de l’Ermitage Sud qui a accueilli plus de 1109 usagers au km linéaire en 2013 (contre 754 en 2010), ou encore les sites de l’Ermitage Sanctuaire et Saline Nord. Sur ces zones, la fréquentation a presque doublé en 4 ans. En revanche d’autres sites, touchés par le risque « requins », sont désertés, comme le site de la plage de Roches Noires qui affi che une baisse de la fréquentation de près de 30 % depuis 2010. Mais l’évolution de la fréquentation est à prendre avec précaution et ne doit pas être réduite à un seul facteur. Il faut l’analyser dans le cadre global du phénomène, qui intègre par exemple les équipements et services mis à disposition du public (bar, parkings…).

CROISER LES DONNÉES AVEc LES MESURES D’IMPACT

Depuis sa création en 2007, la réserve protège 44 km de linéaire côtier. La gestion de ce riche écosystème se fait dans le contexte d’une façade littorale soumise à une forte urbanisation (+800 000 habitants à l’échelle de l’île et au potentiel d’attractivité touristique élevé) avec une forte fréquentation de la zone littorale. à cela s’ajoute une problématique importante de bassin versant, influençant par ses activités en amont, l’état de santé des récifs coralliens en aval. Analyser finement la fréquentation permet de prendre en compte les intérêts économiques du territoire, mais également d’assurer le maintien des pratiques culturelles spécifiques au milieu, à l’instar de la pêche traditionnelle à pieds. Ainsi le 2e objectif à long terme du premier plan de gestion de la RNMR (2013-2017) consiste à « assurer un développement raisonné de l’activité de pêche et des différents usages conciliable avec la protection de la biodiversité marine ». 

 

Les données récoltées devront ensuite être croisées avec les mesures de l’impact de ces activités sur l’état de santé des récifs coralliens et une évaluation de la capacité de charge de façon à mettre en place des mesures de gestion pour réguler lesdits usages afin de mieux préserver le patrimoine naturel. Ces études socio-économiques seront suivies par d’autres études dans le futur telles le Point 1 socio-économique en 2014, qui permettra de mesurer les opinions et les perceptions des usagers (appropriation et mise en place de mesures de gestion), 6 ans après l’évaluation initiale de 2008 ou encore l’évaluation des services éco systémiques et de la valeur économique des récifs coralliens de La Réunion.

(*) avec un financement de l’Agence des aires marines protégées

© RNMR