À quoi sert la concertation ?

Un éclairage sociologique

 
Études - Recherches

Christian Deverre
Directeur de Recherche à l’Inra d’Avignon, coordinateur du programme Concertation, décision et environnement du ministère de l’Environnement

 

Pour les chercheurs en sciences sociales qui s’intéressent à la mise en œuvre des politiques d’environnement, les démarches de concertation constituent un observatoire particulièrement riche pour comprendre comment ces politiques contribuent à transformer les relations sociales au niveau local en amenant les uns et les autres à se positionner autour d’un objectif de protection de biens collectifs.
Cependant, un des enseignements des recherches portant sur les relations entre concertation et décision en matière d’environnement est la nécessité d’identifier des formes distinctes de concertation selon la situation et l’objectif poursuivi par les gestionnaires. Il est important de définir si la concertation vise d’abord à accroître l’acceptabilité sociale de la mesure concernée ou si elle a pour but, également, d’amener différents acteurs à s’engager eux-mêmes par leurs pratiques dans la gestion des espaces naturels.
Dans le premier cas, le gestionnaire ne se trouve pas dans une situation très différente de celle de l’aménageur auquel s’impose de plus en plus, par la loi, le devoir de consulter les populations pouvant être affectées par son projet. Le modèle de la concertation est alors celui du débat public organisant sur des bases équilibrées l’expression des argumentations des uns et des autres, pour ou contre le projet. Ceci dans un esprit de respect mutuel et avec le souci de parvenir à une adaptation du projet aux objections les mieux étayées. Cette procédure vise à lever les malentendus, minimiser les impacts, proposer des modifications ou des compensations… In fine néanmoins, la décision appartient aux autorités légitimes et le gestionnaire conduira la mise en œuvre du projet de manière autonome, en respectant le cadrage obtenu par la concertation.
Dans le second cas, le processus de concertation ne consiste pas simplement à consulter, écouter et tenir compte des arguments des acteurs, mais à leur proposer de réorienter leurs pratiques pour contribuer eux-mêmes à la gestion des espaces naturels. Il ne s’agit plus seulement de réduire l’impact du projet de conservation sur les autres usages, mais de définir ce qui est attendu des uns et des autres pour conforter le projet. La concertation préfigure un cadre de co-gestion des espaces naturels, selon le modèle de la gouvernementalité, c’est-à-dire d’intégration des objectifs de conservation dans le cadre d’activités poursuivant d’autres objectifs (production agricole, élevage, activités cynégétiques…). Dans ce cas, l’impératif n’est plus simplement de mener avec rigueur la consultation des acteurs concernés, mais de déboucher sur des accords durables impliquant des obligations de mettre en œuvre des pratiques favorables à la conservation des espaces. Pour les gestionnaires, le processus de concertation n’est plus seulement un moment dans la mise en œuvre de leur projet : il élargit le cadre social de la gestion et implique de partager sur le long terme les responsabilités de celle-ci avec d’autres acteurs.