Ville de Paris

« Nous avons créé une norme »

 

Espaces naturels n°21 - janvier 2008

Le Dossier

Pierre Veillat
Conseiller scientifique et technique, direction des espaces verts et de l’environnement Ville de Paris

 

La ville de Paris dote certains de ses espaces d’un label « espace vert écologique ». Comment évaluez-vous leur conformité ? Cela fait plusieurs années que la ville porte une réflexion pour limiter l’empreinte écologique de sa gestion d’espaces verts. Ainsi, nous avons entamé une démarche aboutissant à la classification de nos espaces vis-à-vis de leur qualité écologique, en lien avec leur fonction sociale. Par exemple, à certains endroits, nous choisissons d’implanter des prairies naturelles, voire des friches, à d’autres des pelouses bien tondues plus aptes à accueillir du public. Notre évaluation se fait au regard de cette classification. Pour l’évaluation, nous suivons les principes d’amélioration continue que l’on trouve dans les systèmes de certification tel Iso 14 000. Cela suppose des audits périodiques (annuels et quelquefois plus). Les audits (qui sont réalisés par un organisme indépendant) évaluent le niveau de performance écologique atteint, les moyens mis en œuvre, en comparaison des objectifs annoncés. Et que contrôlez-vous ? Nos critères écologiques de gestion vont du « zéro phyto » jusqu’à l’accueil du public. Par exemple, nous avons mis en place et nous suivons une gestion raisonnée de l’eau avec un système de calcul très précis. Chaque mois, la quantité d’eau est adaptée au végétal, à la nature du sol, à la climatologie, à la pente, etc. Un calcul informatique indique, par exemple, s’il faut arroser quatre minutes tous les cinq jours en avril, puis un quart d’heure en mai… Cette méthode, quand elle est suivie, peut générer entre 25 et 30 % d’économie. L’audit cherche à savoir si les préconisations sont appliquées ou encore si l’eau utilisée est potable ou non potable. En bout de procédure, l’auditeur fait des commentaires qui vont de la simple remarque à la non-conformité et propose ou non la labellisation. Avec le temps, nos critères vont encore s’affiner. Comment faites-vous pour disposer des données de contrôle ? C’est le jardinier qui garde la maîtrise des données, aidé de l’outil informatique pour les calculs. Les agents disposent de carnets de suivi (traitements, consommations, temps d’arrosages…) qui servent d’éléments de preuve au moment des audits. Cela change les méthodes de travail et bouscule les habitudes car le métier de jardinier est fondé sur l’oralité. Pourtant, le système de labellisation réclame de prouver des choses, donc d’écrire. Si l’auditeur demande « Avez-vous le plan des réseaux d’arrosage ? », ce plan doit exister. Or, souvent, l’histoire fait qu’il n’a jamais existé où qu’il a disparu. Il faut également que le système documentaire soit complet. C’est le cas des plans de traitement sanitaire des végétaux. On doit savoir que tel jour, on a utilisé tel produit sanitaire biologique, savoir qui l’a fait, quelle quantité a été employée et où. Il a donc fallu former les gens ? Trois mille agents ont été sensibilisés au développement durable adapté aux espaces verts. Tous nos agents susceptibles d’utiliser les systèmes de traitement passent un examen spécial et difficile. Tous savent et comprennent la dangerosité des produits. L’utilisation de produits chimiques est limitée à « une trousse de secours ». Les traitements préventifs sont abandonnés. Les agents sont formés à la reconnaissance des niveaux d’infestation mais aussi à l’utilisation des auxiliaires. Cela porte ses fruits ? Cette année, cent jardins ont été passés au crible. Cinquante-neuf ont été labellisés. Recueilli par Moune Poli