Accès libre à l’information environnementale

 
Appliquer la convention d’Aarhus et la directive Inspire

Espaces naturels n°27 - juillet 2009

Droit - Police de la nature

Laurent Coudercy
Meeddat

La loi tente d’organiser le libre accès à l’information environnementale. Ainsi, par exemple, la directive Inspire trace le cadre d’une organisation nationale des données tandis que la convention d’Aarhus fait échec au droit d’auteur dans la mesure où l’information est détenue par une autorité publique.

Depuis 1990, de nombreux textes législatifs portent sur la mise à disposition des informations environnementales détenues par les autorités publiques. Ils visent à une plus grande accessibilité de ces informations, tant pour permettre au citoyen de s’informer et débattre, que pour faciliter le travail des services publics.

L’accès à l’information. La convention d’Aarhus, transposée en directives européennes en 2003, pose le principe que, en matière d’environnement, chacun a le droit d’être informé, de s’impliquer dans les décisions et d’exercer des recours.
Elle prévoit en particulier que toute personne peut obtenir une copie d’information sur l’environnement auprès de toute autorité publique qui la détient, sous toute forme disponible, et ceci sans fournir de motivation particulière. Cet accès à l’information ne peut cependant servir qu’à un usage interne, l’utilisation commerciale de cette information restant soumise à autorisation des auteurs. 
La loi française a, de plus, limité strictement le prix de cette copie au seul coût du support, sans prise en compte du temps passé ni de la richesse du contenu, intégrant ainsi l’obligation d’accès dans les missions courantes des services publics.
C’est une avancée importante en matière de démocratie. Certes, ces droits créent des contraintes pour les services publics, mais ils sont indiscutablement bénéfiques pour les enjeux environnementaux.
Pour rendre plus facile ce droit d’accès, le Grenelle de l’environnement a abouti à la réalisation d’un portail1 facilitant la recherche de cette information publique quand elle est disponible sur Internet.

Évolution : la directive Inspire. La directive Inspire, dernier texte en date (2007), prévoit de créer au niveau européen une infrastructure d’informations géographiques répondant aux besoins des politiques environnementales. Elle impose aux autorités publiques de diffuser sur Internet leurs données géographiques environnementales ainsi que les référentiels, le tout selon des modalités techniques assurant une réelle interopérabilité.
L’infrastructure se composera de métadonnées (données décrivant les données2), des données géographiques, de services internet permettant d’y accéder, mais aussi d’accords sur le partage, et de mécanismes de coordination entre acteurs. Aussi, même si la directive n’oblige pas à créer de nouvelles données, elle va nettement plus loin que le simple droit d’accès.
L’impact de cette directive est évidemment primordial pour les services travaillant dans l’environnement :
• Les utilisateurs verront l’usage opérationnel de ces données facilité par leur mise à disposition dans des modalités techniques interopérables standardisées : utilisation en ligne avec les outils SIG, webmapping s’appuyant sur les données mises à jour par les producteurs, développement de services spécifiques… Dans les années à venir, cela permettra l’apparition de sites facilitant le débat public, l’information du citoyen, mais aussi proposant des services plus ciblés.
• Les producteurs de l’information devront mettre en place une démarche d’administration de données (métadonnées, politique de diffusion, licences, standardisation des données…). Ils devront aussi se doter d’outils technologiques modernes, permettant de fournir les services internet demandés. C’est l’opportunité pour chacun d’ouvrir et de faire connaître son patrimoine de données montrant ainsi sa richesse et sa diversité. C’est également l’occasion de moderniser son système d’information.
Pour qu’Inspire soit pleinement efficace, encore faut-il que soit organisée une coordination nationale faisant une part équitable aux acteurs non étatiques, quel que soit le domaine concerné. L’enjeu est en effet d’assurer une pleine adhésion de chacun aux principes d’Inspire, pour obtenir son réel déploiement.

Propriété intellectuelle. Sauf loi contraire, celui qui détient la propriété intellectuelle sur une œuvre décide seul des modalités d’usage de cette œuvre, sans tenir compte de l’intérêt général. En tenant compte de ce principe, la propriété intellectuelle pourrait devenir un frein au souhait du législateur de faciliter la circulation de l’information environnementale.
Aussi, pour éviter cet écueil, la convention d’Aarhus précise que la propriété intellectuelle sur une information environnementale n’est pas un obstacle à son accès pour un usage interne, dès lors que cette information est détenue par une autorité publique. Ainsi, un document d’objectif Natura 2000, réalisé par un bureau d’étude ou une association (qui relève de son droit d’auteur) est librement accessible auprès de toute autorité publique qui en détient un exemplaire.
En revanche, la propriété intellectuelle d’un tiers limite la diffusion et la réutilisation des données publiques. Ainsi une donnée géographique constituée par une entreprise privée ne sera pas concernée par l’obligation de la diffuser dans le cadre d’Inspire, sans l’accord de l’auteur.
La notion de propriété intellectuelle reste cependant délicate à appréhender3. Ainsi, une base de données sur la présence d’espèces relève de différentes propriétés : le droit d’auteur sur la structure de la base, le droit du producteur, pour les moyens investis dans sa réalisation, éventuellement le droit d’auteur sur les photos, les textes…
En revanche, il n’existe pas de propriété intellectuelle sur la « découverte » de telle espèce à tel endroit, car tout autre scientifique suffisamment formé aurait pu trouver la même chose.
Ce cadre législatif, s’il est pleinement appliqué par les services publics, permettra que la connaissance de l’information environnementale devienne progressivement une réalité pour tous : la prise en compte de l’environnement dans notre vie s’en trouvera facilitée.

1. www.toutsurlenvironnement.fr
2. Elles se composent d’éléments relatifs à l’identification (l’auteur), la qualité, le contenu, les modalités d’accès et de diffusion…
3. Plus de renseignements : http://www.naturefrance.fr/spip.php?rubrique16