Vingt heures de formation pour tous les salariés

 
Le nouveau cadre juridique de la formation professionnelle

Espaces naturels n°20 - octobre 2007

Management - Métiers

Véronique Petit Uzac
Aten

 

La loi sur la formation professionnelle a progressivement fait peau neuve. Elle consacre aujourd’hui « un droit à la formation tout au long de sa vie ». Ce faisant, elle apporte un distinguo entre la formation au service de la performance de l’entreprise et la formation au service du salarié et de son projet personnel.

La loi ouvre désormais au salarié un « droit à la formation professionnelle tout au long de sa vie ». Ainsi, le droit individuel à la formation (Dif) est reconnu depuis 2003 pour les employés du privé, depuis février 2007 pour les travailleurs du public (décrets d’application à paraître).
Le toilettage du droit a une autre conséquence : des circulaires d’application contiennent de nombreuses explications techniques. Elles expliquent, notamment, comment se définit une action de formation. Utile à lire (cf. p 34) afin de mener une concertation au sujet de la formation dans son environnement professionnel.
Cependant, avant d’entrer dans les détails, il convient d’appréhender la philosophie de cette nouvelle loi. En effet, celle-ci repose sur la volonté de maintenir chaque salarié en adéquation avec le marché du travail : de rester « employable ». C’est ainsi que le salarié peut demander d’acquérir une compétence sans rapport direct avec son emploi. Une condition, cependant : elle doit correspondre à une qualification professionnelle reconnue.
C’est aussi pourquoi le Dif s’accompagne de trois autres dispositions : le congé individuel de formation (Cif), l’entretien professionnel, le passeport formation.
Le droit individuel à la formation. Le droit individuel à la formation est ouvert a tout salarié public ou privé en contrat de travail à durée indéterminée ayant au moins un an d’ancienneté dans l’entreprise. Son principe ? Le salarié se constitue un crédit d’heures de formation de vingt heures par an, cumulable sur six ans dans la limite de cent vingt heures. Dans le cas d’un temps partiel, la durée des droits acquis au titre du Dif est calculée au prorata de la durée de travail. Si l’initiative d’utiliser les droits à formation ainsi acquis appartient au salarié, sa mise en œuvre requiert l’accord de l’employeur sur le choix de l’action de formation1.
Dans sa mise en œuvre, les objectifs et les dates (pendant ou en dehors du temps de travail) sont négociés avec l’employeur. Le fondement de cette négociation repose sur le fait que les frais de formation (ils englobent les coûts pédagogiques et les autres frais : transport, restauration et hébergement) sont à la charge de l’employeur.
Le chef d’entreprise peut refuser la demande2. Face à ce refus, l’employé ne dispose d’aucun recours sauf celui de réitérer sa requête ultérieurement (au bout de deux exercices successifs, le salarié peut déposer une demande de congé individuel de formation3).
Sauf accord entre les partenaires sociaux (convention collective), la formation suivie dans le cadre du Dif se déroule en dehors du temps de travail. Le salarié perçoit alors, de son employeur, une allocation égale à 50 % de sa rémunération nette de référence. C’est ce que l’on nomme l’allocation de formation.
Le congés individuel de formation. Dans les grandes lignes, il s’agit du droit de s’absenter de son poste de travail pour suivre une formation de son choix. Ce congé permet également de préparer un examen. Il permet à tout travailleur, quels que soient l’effectif de l’entreprise et la nature de son contrat de travail, de suivre à son initiative des actions de formation. Une condition d’ancienneté est cependant nécessaire : vingt-quatre mois consécutifs ou non en tant que salarié dont douze mois dans l’entreprise (trente-six mois dans les entreprises de moins de dix salariés).
Sauf accord sur une durée plus longue, l’absence ne peut être supérieure à un an pour un stage à temps plein ou à 1 200 heures pour un stage à temps partiel.
L’autorisation d’absence donnée par l’employeur n’entraîne pas automatiquement le maintien de la rémunération, ni la prise en charge des frais afférents à la formation. Néanmoins, le maintien de la rémunération peut être accordé par l’organisme paritaire collecteur agréé (Uniformation, pour le secteur animation socioculturelle).
Sous certaines conditions, le salarié peut également bénéficier d’une prise en charge des frais liés au congé (hébergement, déplacement). Le temps passé en formation Cif est pris en compte pour le calcul des droits aux congés payés. À son retour, l’employeur doit réintégrer le salarié dans son emploi antérieur. Il n’est pas tenu cependant de proposer un autre emploi prenant en compte la qualification acquise.
Si le salarié remplit les conditions et respecte la procédure de demande d’autorisation d’absence, l’employeur ne peut pas s’opposer au départ en formation du salarié. Il peut cependant en reporter la date s’il estime que le départ du salarié en congé de formation est préjudiciable à la production et à la bonne marche de l’entreprise ; ou si des effectifs sont simultanément absents. La durée maximale pendant laquelle le congé peut être différé pour ce motif est de neuf mois.
L’entretien professionnel. Dans le privé, la loi va plus loin puisqu’elle oblige à la tenue biennale d’un entretien professionnel. Prévu dans le cadre de l’Accord national interprofessionnel (avenant du 8 juillet 2004), ce dispositif peut se dérouler à l’issue de l’entretien annuel d’évaluation.
Il est conçu comme un moment privilégié d’échange entre l’employé et son responsable direct. Il a pour objectif de permettre au salarié d’élaborer un projet professionnel et de déterminer, si nécessaire, les actions de formation qui permettent d’y accéder. Il permet aussi de formuler des demandes d’actions de formation, de bilan de compétences ou de validation des acquis de l’expérience (VAE).
Le passeport formation. Institué lui aussi par la loi, il a pour vocation d’assurer une traçabilité des compétences du salarié tout au long de sa vie professionnelle. Établi à la demande du salarié, c’est un document personnel consignant des déclarations rédigées par son titulaire4. Le passeport formation inclut notamment :
- les diplômes et les titres obtenus au cours de la formation initiale ;
- les expériences professionnelles acquises lors de stages ou de formations en entreprise ;
- les certifications à finalité professionnelle (diplômes, titres ou certificats de qualification) ;
- la nature et la durée des actions de formation suivies au titre de la formation continue ;
- les emplois tenus dans une même entreprise, ainsi que les connaissances, compétences et aptitudes professionnelles mises en œuvre à cette occasion ;
- les activités tutorales ;
- les décisions en matière de formation prises lors d’entretiens professionnels et de bilans de compétences.
Dif, Cif, passeport formation… qu’on ne s’y trompe pas, la nouveauté de cette loi ne réside pas dans la définition de nouveaux protocoles mais dans une vision différente du rapport au travail. Elle reconnaît que la formation peut être au service du salarié, de son projet professionnel. Elle effectue un distinguo avec les formations qui servent les intérêts de l’entreprise et qui s’inscrivent notamment dans le plan de formation. Ce tournant législatif laisse cependant de nombreuses questions en suspens. On s’interroge notamment sur sa mise en œuvre et son impact pécuniaire dans les petites structures. Nos associations de gestion des espaces naturels devront désormais intégrer un coût salarial supplémentaire pour respecter ce droit.

1. « Employeur » est utilisé au sens général ; ce peut être une association, une entreprise privée, une administration, une collectivité territoriale.
2. L’employeur dispose d’un délai d’un mois pour répondre au salarié. L’absence de réponse dans ce délai vaut acceptation.
3. L’organisme paritaire de gestion du Cif dont relève l’entreprise doit alors examiner cette demande de prise en charge en priorité. Dans la fonction publique territoriale, cette prise en charge revient au CNFPT.
4. Pour avoir une idée plus précise de ce document : http://www.fup.fr/pass_form/indexpf.html

Références juridiques
Code du travail (loi du 4 mai 2004)
Circulaire DGEFP n° 2006/10 du 16 mars 2006 (obligations des organismes de formation)
Circulaire DGEFP n° 2006/35 du 14 novembre 2006 (prestations entrant dans le champ de la formation professionnelle continue)
Loi n° 2007-148 du 2 février 2007 (trois fonctions publiques : État, territoriale, hospitalière)
Loi n° 2007-209 du 19 février 2007 (spécificités fonction publique territoriale).