Végétalisation des talus

Les scientifiques font-ils la loi ?

 

Espaces naturels n°1 - janvier 2003

Le Dossier

Yves CROSAZ
SNCF au moment de la recherche


Les scientifiques ont-ils pour fonction de produire du droit ? Oui, diraient certainement Yves Crosaz et son équipe, dont le programme de recherche vient d’aboutir à la publication d’un décret sur les normes de qualité germinatives des semences. Comment en sommes-nous arrivés là ?
En 1995, quand les travaux de la ligne ferroviaire à grande vitesse « Méditerranée » commencent, la SNCF s’interroge sur l’érosion superficielle importante que peuvent connaître les talus le long de ces grandes infrastructures. Certes la végétalisation semble la solution pour assurer la pérennité et la qualité de ces ouvrages en terre mais, dans la pratique, des questions demeurent : quelles espèces planter, en quelles proportions ?
C’est dans le but d’apporter des réponses -impérativement concrètes- à ces questions, que la recherche est initiée. Le long des lignes de chemin de fer Atlantique et Méditerranée, plus de 30 espèces sont alors semées et observées.
Près de 450 échantillons de semences sont analysés. En 5 ans, la recherche permettra effectivement de hiérarchiser les espèces les plus adaptées à la végétalisation pourtant, dès le début, le volet réglementaire va interroger les chercheurs. Confrontés à toutes sortes d’embarras auxquels, sans doute, ils ne s’attendaient pas, ils s’aperçoivent très vite de la difficulté des aménageurs à maîtriser leur plantation. « 2 kilos d’espèces sauvages ou quelques dizaines de kilos d’espèces cultivées sont parfois introuvables », note Yves Crosaz. La qualité des espèces est, elle aussi, en cause. Pour les espèces dites de « grande culture » les normes sont respectées. Cependant pour les espèces de catégorie semences, 47% des lots ne sont pas conformes à la réglementation en vigueur.
Pour les espèces sauvages, la situation est variable. Le très bon côtoie le pire. Le taux de germination de l’immortelle des sables, par exemple, n’atteint pas les 10%. L’action scientifique se prolongera donc autour de la table des négociations. La SNCF profite de sa participation à la Société française des Gazons où elle siège au côté du ministère de l’Agriculture, pour faire inscrire la problématique à l’ordre du jour. Pendant plus d’un an, une commission végétalisation axera son travail sur les résultats de la recherche.
Constatant les dysfonctionnements, elle aboutira à une proposition d’arrêté. Après deux ans et demi d’attente supplémentaire, un avis favorable de Bruxelles donnera le feu vert au gouvernement français. L’arrêté de commercialisation encadrant la qualité technologique des semences est paru au journal officiel le 22 janvier 2001.