>>> le piégeage, méthode raisonnée de régulation

Ragondins ravageurs

 

Espaces naturels n°3 - juillet 2003

Méthodes - Techniques

Dominique Gindre
Chef du service Observation des milieux et gestion environnementale. Eid Méditerranée.

 

Introduites pour leur fourrure, les populations de ragondins colonisent les zones humides et ravagent les rivages. Délaissant les méthodes d’éradication par voie chimique, l’Entente interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen a développé une méthodologie de piégeage à la fois raisonnée et efficace.

Les ragondins apprécient particulièrement les zones humides méditerranéennes et la douceur de leurs hivers. Introduits en France à la fin du xixe siècle, pour l’élevage et le commerce de leur fourrure, ils ont envahi cours d’eau et marais, et s’y reproduisent à loisirs. L’importance de leur population est à l’origine de dégradations notables. Ils s’attaquent aux cultures et leur infligent d’importants dégâts. Animaux fouisseurs, ils creusent leurs terriers dans les berges et provoquent des ruptures de digues, des fuites et comblements de fossés.
Créé en 1991 et dépositaire d’un site inscrit à l’inventaire Ramsar, le Syndicat mixte de gestion de l’Étang de l’Or (SMGEO) a pour objectif la gestion et la conservation des milieux naturels. Une de ses actions prioritaires consiste en la réhabilitation des infrastructures hydrauliques. Confrontés aux ravages des animaux, les animateurs du syndicat ont dû réagir et compléter leur action par un plan de limitation des populations des ragondins, dont la réalisation opérationnelle fut confiée à l’Entente inter-
départementale pour la démoustication du littoral méditerranéen (EID Méditerranée).
Ce plan a pour finalité de réduire les dégâts inhérents à la prolifération des rongeurs sur l’ensemble des treize communes adhérentes au SMGEO. Il représente un projet ambitieux tant par sa durée (action continue depuis novembre 1998) que par la zone d’intervention concernée (les 1 500 ha de zones humides autour de
l’Étang de l’Or et autant de cultures situées en périphérie). Fondé au départ sur un dispositif « Nouveaux métiers-nouveaux emplois », il bénéficie de participations financières de l’État et du Conseil général de l’Hérault.
Le choix du piégeage
Pour être efficace, l’opération, menée par l’EID Méditerranée, se déroule à une échelle cohérente (bassin versant) et repose sur le principe du piégeage quotidien, tout au long de l’année, à l’aide de plus de 150 pièges cages capturant les animaux vivants. Cette technique permet de n’éliminer que les animaux ciblés et de les comptabiliser. Le choix du type de piège utilisé (pièges cages) traduit la volonté de réaliser une lutte ciblée et raisonnée sur un territoire de valeur écologique et patrimoniale reconnue. La technique évite, d’autre part, les inconvénients liés à l’usage des anticoagulants (bromadiolone) dans les zones humides méditerranéennes (cas des marais ouverts pâturés), ainsi que les réactions en chaîne dues à la consommation des cadavres ou à leur décomposition qui peut favoriser certaines épizooties comme le botulisme1.
L’opération de piégeage se déroule selon le principe de rotations par zones préalablement définies (55 km de lignes de piégeage). Le démarrage s’effectue prioritairement sur les « zones sources », c’est-à-dire celles où les densités de population sont reconnues comme étant les plus élevées. La pression de piégeage est ensuite maintenue à un niveau suffisant pour réguler la nuisance et éviter les phénomènes de recolonisation.
Les pièges, numérotés, sont relevés quotidiennement et il est effectué un suivi précis des individus capturés (détermination du sexe, pesage…). Les ragondins piégés sont tués en étant assommés, ils sont ensuite incinérés. Les animaux non ciblés sont relâchés.
Cette opération constitue le premier travail d’envergure réalisé dans le cadre d’une action opérationnelle raisonnée sur ces populations animales en Méditerranée, où les conditions de milieu entraînent des réactions comportementales très différentes de ce que l’on connaît ailleurs. Les résultats obtenus depuis plus de quatre ans (près de 5 000 ragondins capturés et un abaissement de l’ordre de 85 % des indices de présence) sont jugés satisfaisants par les gestionnaires, les acteurs socio-économiques de l’Étang de l’Or et les élus des communes concernées. Ils mettent en évidence la nécessité d’optimiser l’utilisation de la cartographie thématique sur la base des Systèmes d’informations géographiques (SIG). Ainsi, la gestion pourrait s’appréhender directement en établissant, de manière plus précise, une corrélation entre les caractéristiques du milieu, la répartition des populations et la couche supplémentaire concernant la dynamique et les données de piégeage renseignées au quotidien.

1. Le botulisme est une toxi-infection alimentaire grave entraînant des paralysies.