Les phoques gris suivis par satellite

 
Bonne qualité écologique du Parc marin d’Iroise
Études - Recherches

Cécile Vincent
Maître de conférences, université de La Rochelle
Sami Hassani
Responsable du Laboratoire d’étude des mammifères marins, Océanopolis, Brest
Louis-Gérard Martin d’Escrienne
Office national de la chasse et de la faune sauvage

Le Parc naturel marin d’Iroise, créé à l’automne 2007 à la pointe de Bretagne, abrite la plus méridionale des colonies européennes de phoques gris. Pendant la longue période de réflexion sur la mise en place du parc, un programme de suivi1 des phoques par balises Argos a été mis en place afin d’étudier leurs déplacements, mais aussi leurs rythmes et zones de chasse. Le phoque gris est, en effet, un bon indicateur de la qualité écologique de son environnement.
De 1999 à 2003, seize balises comprenant des capteurs d’activité (plongée, repos à terre, vitesse de nage…) et émetteur Argos ont été déployées sur des phoques gris capturés dans l’archipel de Molène. Les suivis ont duré en moyenne trois à quatre mois.
De grands voyageurs ? Seuls deux phoques sont restés dans l’archipel de Molène pendant la totalité de leur suivi télémétrique. Les autres se sont déplacés sur d’autres sites des côtes bretonnes (dans le Finistère et les Côtes d’Armor), et neuf d’entre eux ont traversé la Manche pour rejoindre des congénères en Cornouaille anglaise, au Pays de Galles, aux îles Scilly ou dans les îles anglo-normandes. Bien que plongeant très régulièrement à 60, 80 voire plus de 100 mètres de profondeur lors de leurs déplacements, ces phoques ont alors parcouru environ 90 kilomètres par jour.
Ces résultats nous indiquent clairement que la colonie de phoques gris de l’archipel de Molène ne constitue pas une population isolée, et pourraient souligner les limites des aires marines protégées pour la conservation des espèces mobiles. Une analyse plus détaillée de la distribution spatiotemporelle de ces phoques nous amène cependant à nuancer cette première conclusion. Globalement, les seize phoques ont passé 15 % de leur temps en pleine mer, la grande majorité du temps étant donc passée à proximité ou sur les reposoirs terrestres (18 % du temps à sec).
Lorsqu’ils n’étaient pas en pleine mer, ces seize phoques ont passé en moyenne 57 % de leur temps dans l’archipel de Molène, le reste du temps étant réparti de part et d’autre de la Manche entre côtes bretonnes et îles anglo-normandes au sud (29 %) et côtes britanniques au nord (14 %). Ainsi, au moins pendant la durée des suivis satellitaires, les phoques ont utilisé majoritairement les reposoirs et eaux adjacentes de l’archipel de Molène.
Une affluence estivale… Ces suivis ont eu principalement lieu pendant
la période estivale de reconstitution
des réserves corporelles des phoques. L’exploitation des habitats marins inclus dans les limites du parc marin par une proportion significative de ces phoques suggère que leurs proies sont accessibles en quantité suffisante à proximité immédiate de leurs reposoirs terrestres. Ces observations diffèrent de celles faites sur d’autres colonies de phoques gris et soulignent donc la bonne qualité écologique de ce site (diversité et abondance des espèces marines). L’hiver venu, certains phoques quittent l’archipel de Molène pour aller se reproduire sur d’autres sites, notamment en Angleterre et au Pays de Galles, tandis que d’autres y demeurent.