L’écoresponsabilité, urgente urgence
Espaces naturels n°22 - avril 2008
Jean-François Le Grand
Sénateur. Président du conseil général de la Manche
En octobre dernier, le conseil général de la Manche adoptait « Planète Manche », la charte départementale de développement durable. « Le levier de l’exemplarité en faveur de l’écoresponsabilité », explique Jean-François Le Grand.
Hubert Reeves, physicien, affirme que si nous ne changeons rien à nos comportements, dans cent cinquante ans, nous aurons atteint un point de non-retour au-delà duquel l’espèce humaine est condamnée. « Agir et réagir » devrait donc sonner comme un credo pour chacun d’entre nous, à tout moment, à tout niveau. Car les vrais changements ne viendront pas des grandes actions gouvernementales ou intergouvernementales, ils émaneront plus sûrement de l’action quotidienne. Chaque citoyen, chaque gestionnaire, chaque lecteur d’Espaces naturels porte la responsabilité de son exemplarité. Une action sur deux plans : le ralentissement de la production des gaz à effet de serre et la sauvegarde de la biodiversité ordinaire, laquelle permet de préserver la capacité d’adaptation de l’écosystème au réchauffement climatique. Dans ce contexte, les collectivités doivent donner le « la ». En « inventant » sa charte du développement durable, le conseil général de la Manche a voulu poser d’abord des choix politiques. Ainsi, quand la collectivité fait des routes, elle doit penser aux continuums écologiques (la trame verte) ; les bâtiments publics intègrent une réflexion sur la haute qualité énergétique et la limitation des déplacements est un enjeu prioritaire. L’outil informatique est également utilisé pour la e-administration : une trentaine de visio-guichets fonctionnent et l’objectif est d’en installer un par communauté de communes afin que toute personne puisse recevoir des renseignements administratifs sur son propre dossier. Des critères d’écoconditionnalité du financement des projets ont été très clairement listés. Ainsi, qu’il s’agisse d’infrastructures routières, portuaires, d’aménagement du territoire, de transport d’énergie… un « coefficient de biodiversité » est dorénavant inclus à chacune des actions de la collectivité ainsi que dans les commandes publiques. Par exemple, dans le domaine du logement HLM, la collectivité ne garantit les emprunts que si les habitations respectent un coefficient d’économie d’énergie. Au cœur de cette exemplarité, il y a, bien sûr, la question budgétaire. Il convient toujours, en tout premier lieu, de chiffrer le coût des mesures et des propositions. Celles du conseil général se montent à 80 millions d’euros pour sept ans. Cher ? La démarche viable passe par l’adaptation des outils financiers au développement durable : le conseil général a conçu un outil budgétaire incluant le différé d’amortissement lié aux économies d’énergie. Il emprunte donc, non pas uniquement en fonction des recettes à venir, mais aussi en fonction des économies à réaliser. L’exemplarité est forcément synonyme d’inventivité : s’équiper, fonctionner, conduire des projets en anticipant leur impact ou encore persuader et entraîner : car la démarche ne peut être que participative.