On l’oublie souvent : tout espace naturel peut être frappé par des événements traumatiques

 
Le courrier

Emmanuelle Champion
LPO. Coordination Natura 2000 & Plans de gestion

 

Martin, le 27 décembre 1999, puis Xynthia, le 28 février 2010, ont imposé une submersion marine à six réserves naturelles nationales littorales gérées par la LPO(1). Nous n’avions pas intégré la notion de risques biologiques, humains, psychologiques, sanitaires, techniques… dans la gestion de nos espaces, dans nos plans de gestion. Nous avons été rattrapés par la réalité… Puisse notre expérience être bénéfique à d’autres.
Pour ces réserves, chance, pas de pertes humaines. Mais plus de 535 000 euros de pertes, un outil de travail anéanti pour la deuxième fois, des troupeaux décimés ou réduits (91 bêtes), des atteintes psycho-émotionnelles parfois importantes (événement direct et mises en accusation par divers acteurs). Écologiquement, les impacts sont notables.

Alors, si on anticipait ? Nous avons envisagé la mise en place d’un plan de prévention des risques. Il prend en compte le fait que l’impact dépend du niveau de vulnérabilité humain, pastoral, technique et biologique. Mais aussi qu’il n’est pas possible de se prémunir contre tous les risques, ni de tout prévoir. De même, il n’est pas possible de tout sauver. Il faut donc anticiper le seuil d’acceptabilité des pertes.
La sécurité des biens, des personnes et du bétail constitue le volet principal de ce plan qui se décline en trois phases : prévention ; alerte ; reconstruction. Les actions sont inscrites au plan de gestion et la sensibilisation des personnels est essentielle.
Nous avons créé des procédures d’urgence. Ainsi, par exemple, la mobilisation des équipes est planifiée. Les matériels tels torches, coupe-boulons, jeux de clefs… sont entreposés en un lieu connu de tous. Les hébergements en zone submersible sont supprimés, la relocalisation géographique des locaux ou, a minima, l’adaptation technique (stockages fixes en hauteur, modification des circuits électriques…) est prévue tout comme l’identification de points de repli des troupeaux. Le risque est inscrit au document unique relatif à l’évaluation des risques professionnels de l’employeur.
La LPO gestionnaire se prépare également à l’encadrement et au soutien des équipes de gestion : mobilisation de budgets, de soutien psychologique, d’encadrement des relations et contacts avec les médias et les acteurs locaux…
La vulnérabilité écologique est plus délicate à traiter : l’avenir des fonctions écologiques, des habitats naturels et des espèces à préserver, n’est pas assuré dans l’éventualité d’un recul partiel ou total du trait de côte. À ce jour, il n’existe aucun espace protégé de report et cette dimension dynamique littorale n’est pas intégrée dans les stratégies nationales (Scap).
Soulignons enfin que les réserves naturelles sont des espaces particulièrement appropriés pour participer à la reconstruction du devoir de mémoire prévu par la loi et qui s’impose aux communes. Leurs animateurs peuvent par exemple mettre en place des repères historiques des submersions visibles pour le public. Ceci suppose des moyens de fonctionnement alors que leur mission d’éducation à l’environnement n’est plus financée par l’État. •

1. Moëze-Oléron, Marais d’Yves, Lilleau des Niges, Baie de l’Aiguillon, Charente-maritime et Vendée, Marais de Müllembourg.