La méthode coûts de points

 
Pour déterminer des priorités contre les invasives

Espaces naturels n°21 - janvier 2008

Études - Recherches

Julien Triolo
Ingénieur écologue
Alain Brondeau
Responsable de l’unité aménagement et gestion durable Direction régionale de l’ONF Réunion
 

Pour établir des priorités d’actions concernant les invasions végétales, une nouvelle méthode de classification des plantes invasives a été inventée et testée. Cette méthode, dite « des 100 points », a le mérite d’être fiable et peu coûteuse.

A La Réunion, les plans de gestion de réserves naturelles ou biologiques consacrent une part importante aux plantes invasives, lesquelles constituent souvent la menace principale. Il faut alors préciser la liste des espèces présentes, étudier leur état d’invasion, dans la réserve, ailleurs sur l’île et dans le monde, et surtout établir des priorités d’actions. Ainsi, dans la réserve naturelle de Saint-Philippe Mare Longue et sa périphérie immédiate, cent une espèces végétales exotiques ont été recensées.
Pour déterminer des priorités en matière de lutte, plusieurs méthodes de hiérarchisation existent ; des plus pragmatiques aux plus complexes, elles sont le plus souvent basées sur des critères pondérés. La méthode du projet Scope1, par exemple, a été utilisée en Afrique du Sud et aux Galapagos. Employée (1991) à l’échelle de La Réunion, elle s’appuie sur cinq critères de hiérarchisation (abondance, potentiel d’extension, vitesse de propagation, difficulté de contrôle et impact écologique). La comparaison de ses résultats avec ceux de la méthode de classification de Hiebert (se présentant sous la forme d’un questionnaire) et utilisé en 1999 à l’échelle de l’île, laisse apparaître très peu de différences.
Les gestionnaires ont donc à leur disposition des outils pour établir des priorités d’actions sur les invasions végétales ; cependant il est important que le choix de ces priorités s’établisse dans la concertation. Le plus souvent, le passage devant un comité consultatif est même rendu obligatoire (plans de gestion de réserves ou aménagements forestiers). Ceci étant, il faut bien voir que les avis des spécialistes divergent souvent et que le risque est grand d’aboutir à un débat passionné mais finalement peu concluant, les outils pour rendre cette concertation productive étant beaucoup plus rares.
Une nouvelle méthode de classification des plantes invasives a donc été inventée et testée : la méthode dite « des 100 points ». Très simple et rapide à mettre en œuvre, elle vise à recueillir et agréger les dires de plusieurs experts (pour la Réserve naturelle Saint-Philippe Mare Longue, sept experts réunionnais ont participé). Chaque expert sollicité se voit attribuer cent points, symbolisant les moyens disponibles, qu’il peut répartir entre les différentes espèces exotiques inventoriées, en fonction de ce qu’il pense être prioritaire en matière de lutte. Le résultat final est obtenu en additionnant les notes attribuées par tous les experts (cf. tableau).
L’intérêt principal de cette méthode, qui peut paraître simpliste et subjective, est de pouvoir (malgré des réponses très diverses) réaliser une synthèse quantitative du « dire d’expert ». En attribuant un nombre de points limité aux experts, elle les force à faire des choix, comme un gestionnaire est obligé de le faire face à un budget limité. Enfin, et surtout, elle permet d’impliquer les spécialistes dans l’établissement des priorités, en les confrontant à la vision parfois divergente d’autres experts. Le diagnostic est ainsi mieux partagé et les scientifiques adhèrent plus facilement à des choix auxquels ils ont participé.
Pour tester la pertinence de la classification obtenue par cette méthode, nous l’avons comparée avec la méthode de Hiebert : une très grande cohérence des résultats obtenus a été mise en évidence. Tout d’abord, sur les vingt-cinq espèces qui ressortent prioritaires dans les deux méthodes, dix-sept sont communes. La similitude des résultats est très forte pour les dix premières espèces (huit sur dix identiques suivant les deux méthodes) (pour plus de détails sur l’analyse de ces données : http://etic.univ-reunion.fr/theresien).
Cette méthode simple « des 100 points » offre donc une alternative rapide et peu coûteuse à des méthodes plus élaborées, et présente le grand avantage de mobiliser l’expertise disponible.

En savoir plus
Hiérarchisation des plantes invasives à La Réunion, Mireille Cazanove, 1999, Mémoire de maîtrise de biologie des populations et écosystèmes de Montpellier.
Plan de gestion de la réserve naturelle de Saint-Philippe Mare Longue : 2007-2011, Julien Triolo, 2006.