Luc Hoffmann, un ornithologue d’exception

 

Espaces naturels n°56 - octobre 2016

Lecteurs penseurs

Michel Métais,
président de l'Aten

Les membres de l'Aten rendent hommage à Luc Hoffmann, disparu le 21 juillet en Camargue.Ornithologue parmi les plus célèbres au monde, il a marqué le domaine de la conservation de la nature tant à l’échelle du globe qu'en France.

Passionné, il a conduit une thèse sur la sterne pierregarin à Bâle avant d’acheter le domaine de la Tour du Valat en 1948 à 25 ans et y créer une station de recherche sur les oiseaux d’eau et les zones humides en 1954. Elle est devenue un laboratoire de recherche sur les zones humides méditerranéennes et africaines de réputation mondiale. 

Luc Hoffmann dans les années 1950 (premier baguage de flamants). © Tour du Valat Sa carrière et son oeuvre sont gigantesques. Il a contribué à mettre en oeuvre dans les années 1960 la première convention environnementale à l’échelle de la planète consacrée à la préservation des zones humides adoptée à Ramsar en 1971 et ratifiée à ce jour par cent soixante-neuf pays. Il a également contribué à créer la première centrale ornithologique regroupant les données de comptages des oiseaux d’eau en hivernage à l’échelle du globe sous l’égide du Bureau international de recherche sur la sauvagine (BIRS), qui deviendra BIROE (oiseaux d’eau) puis Wetlands International. Il en a été le directeur de 1962 à 1969. Cet organisme est actuellement l’un des experts de plusieurs conventions internationales (Ramsar bien sûr, l’accord Europe-Afrique-Asie sur les oiseaux migrateurs AEWA, UICN pour les listes rouges, directive oiseaux…). Il crée le WWF International en 1961 puis le WWF France et le WWF Grèce. Il est à l’initiative du projet MedWet qui coordonne les actions de protection des zones humides de vingt-sept pays méditerranéens en 1991. Enfin, il crée la fondation MAVA en 1994 qui finance des projets de conservation de la nature et des oiseaux dans les pays circum-méditerranéens, africains et des Alpes.

Ne croyez pas qu’il restait dans les sphères de la diplomatie et des instances internationales : il était très attaché aux actions de terrain et a concrètement contribué à la création de nombre d’espaces protégés comme le Parc naturel régional de Camargue, les Parcs nationaux de Donana (Espagne), du Banc d’Arguin (Mauritanie), du lac transfrontalier de Prepsa aux confins de la Grèce, l’Albanie et la Macédoine et de Hortobagy en Hongrie…
Il alliait la passion de la nature et des oiseaux, une détermination et une ténacité peu ordinaire, la diplomatie, l’humilité à une grande timidité ainsi qu’une immense générosité puisqu’il était l’un des héritiers du groupe pharmaceutique suisse Hoffmann-La Roche !

 

Il demeure le plus grand mécène en faveur de la nature que le monde ait connu à ce jour. Son oiseau préféré était la Glaréole à collier, mais l’oiseau qui le fit connaître à travers le monde est sans conteste le Flamant rose dont la colonie camarguaise, qu’il a protégée et étudiée, a essaimé sur des dizaines de pays africains, méditerranéens et d’Asie mineure. 

Alan Johnson, son élève, a bagué des dizaines de milliers d’oiseaux lors d’opérations de capture qui ont mobilisé pendant des dizaines d’années des milliers d’ornithologues autour de Luc Hoffmann qui aimait leur compagnie. Sa passion pour la nature et les oiseaux, sa capacité de persuasion et son intérêt pour les projets de la communauté ornithologique ont fait éclore nombre de vocations parmi les naturalistes et amis de tous bords (parmi les plus connus) : Michel Brosselin, Pierre Campredon, Patrick Duncan, Ted Hollis, Alan Johnson, John Krebs, Marc Lambertini, Théodore Monod, Mike Moser, Max Nicholson, Michael Smart, Peter Scott, Jamie Skinner, Jacques Trotignon, Jean-Paul Taris son fidèle aide de camp récemment disparu et son successeur à la Tour du Valat : Jean Jalbert. Il laisse un héritage fabuleux. Un grand merci pour ce que vous avez apporté à la nature et aux oiseaux.