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Intégrer le bocage dans les plans locaux d’urbanisme

 

Espaces naturels n°15 - juillet 2006

Gestion patrimoniale

David Moulin
Parc naturel régional de l’Avesnois

 

Élus, exploitants agricoles et techniciens du Parc naturel régional de l’Avesnois se mobilisent pour assurer la préservation de leur paysage identitaire commun : le bocage.

1900 L’apogée du bocage ! Deux millions de kilomètres de haies structurent les espaces agraires français… Aujourd’hui, un siècle plus tard, 70 %1 de ces paysages emblématiques ont disparu et avec eux une partie du « bien commun de la nation2 ». Pour de nombreux exploitants, en particulier de cultures céréalières, les haies sont devenues une perte d’espace, une contrainte, un coût d’entretien, même si d’autres exploitent la taille des arbres pour la production de bois de chauffage. En référence au code civil, la décision d’arracher une haie repose sur la seule décision de l’exploitant avec l’obligation d’accord de son propriétaire.
Certes méconnu, comparé à celui de Normandie ou de Bretagne, le bocage de l’Avesnois n’en subit pas moins les mêmes évolutions : régression par arrachage, transformation de prairies en culture, agrandissement du parcellaire agricole, disparition des vergers hautes tiges…
La maîtrise de l’évolution du bocage a donc été intégrée à la charte constitutive du Parc naturel régional de l’Avesnois. « Le Plan bocage » fixe alors une stratégie d’action sur dix ans, qui se décline en six points :
1. inventaires communaux hiérarchisés et cartographiés à l’échelle de la parcelle ;
2. identification de secteurs d’intervention prioritaire ;
3. propositions de types de bocages à reconstruire par secteur géographique, de modes de gestion adaptés ;
4. mise en place de plan d’aménagement bocager ;
5. soutien et animation aux mesures contractuelles agro-environnementales ;
6. mise en place de mesures de protection réglementaire des boisements linéaires, haies et plantations d’alignement.
Dans le plan d’urbanisme
Passer à l’action suppose d’intégrer le bocage dans le plan local d’urbanisme ce qui permet de dépasser l’échelle de la parcelle ; la première étape consistant à identifier le maillage bocager à préserver.
La démarche est intéressante car l’élaboration d’un Plan local d’urbanisme suppose la définition du Projet d’aménagement et de développement durable (Padd). Celui-ci permet aux élus d’inscrire la protection du bocage parmi les objectifs visant à préserver la qualité et l’identité de leur paysage et de maîtriser son évolution.
Par ailleurs, l’échelle communale permet d’intégrer les problématiques environnementales et paysagères et de raisonner au niveau « macro ». Ainsi abordée, la protection du bocage dépasse l’échelle de l’exploitation, contrairement au cadre des mesures contractuelles du type MAE, CTE ou CAD3. Par ailleurs, la procédure d’élaboration d’un Plu est propice à la mise en œuvre d’une démarche collective, porteuse d’intérêt général. Bâtir un projet communal suppose en effet d’intégrer les principes du développement durable (loi SRU4) et de prendre en compte la préservation de la qualité des paysages ainsi que la maîtrise de leur évolution (loi Paysage).
Autre intérêt : pour élaborer un Plu, les élus communaux doivent définir des modalités de concertation avec la population. Le résultat réglementaire de « la protection d’un maillage bocager, assortie d’une démarche d’autorisation d’arrachage » à l’échelle communale résulte ainsi d’une initiative des édiles et du fruit d’une concertation collective avec le monde agricole.
Toutefois, il ne s’agit pas de « mettre le bocage existant sous cloche », de le figer en l’état, mais d’en maîtriser son évolution, d’assurer la pérennité d’éléments de paysage remarquables, en instaurant une procédure d’autorisation, prévue par le code de l’Urbanisme et gérée par le maire, garant de l’intérêt général.
Associer
le monde agricole
La protection du bocage fait alors l’objet d’une concertation. La démarche repose en effet, sur la volonté des élus de protéger des éléments remarquables de leurs paysages mais, aussi, d’y associer l’ensemble des acteurs, en particulier ceux du monde agricole.
Dans les faits, cette mesure de protection a été initiée en 1998. Si le point de départ fut Maroilles, commune siège de la maison du Parc (plus connue pour son fromage), elle est aujourd’hui appliquée à l’ensemble du territoire des communes de l’Avesnois.
Le Parc naturel régional de l’Avesnois intervient en soutien et propose une intervention technique de conseil et d’animation de la concertation. L’équipe technique met à la disposition des communes du Parc et des bureaux d’études mandatés pour l’élaboration des Plans locaux d’urbanisme : une ingénierie, des données cartographiées, une méthode d’analyse, une méthode de concertation. L’engagement des élus dans cette voie se fait par délibération du conseil municipal. Les communes sont donc libres d’engager cette démarche, de la finaliser ou de l’arrêter. Toutefois, l’un des intérêts majeurs de cette démarche tient à son transfert possible à toutes les communes de France.
Opérationnelle
La méthode d’analyse du bocage proposée par le Parc est discutable d’un point de vue scientifique. Les limites qu’elle impose portent notamment sur le choix des critères et l’approche paysagère à l’échelle administrative de la commune. Cependant, elle est directement opérationnelle. Elle est ainsi réalisable dans le cadre et dans la durée d’une procédure de Plu (douze à dix-huit mois). Elle est également calibrée en fonction des moyens techniques et humains du Parc naturel régional de l’Avesnois. Cette méthode repose sur trois objectifs : connaître précisément les caractéristiques de l’occupation du sol de la commune ; quantifier et qualifier le maillage bocager ; identifier le maillage bocager à préserver en priorité pour
l’avenir. Elle se déroule en trois phases :
w interprétation de l’occupation du sol à partir de clichés numériques de photographies aériennes au 1/20 000e ;
w cartographie de l’occupation du sol en dix-neuf classes (forêts, prairies, cultures, boisements, vergers…) et du linéaire bocager ;
w analyse de trois fonctions du maillage bocager : biologique, paysagère, anti-érosive. Cette analyse s’effectue à l’échelle du territoire communal. Un Système d’information géographique permet de considérer les différentes données issues de l’interprétation des photographies aériennes.
Pour identifier les haies à « fonction biologique », le critère proposé est celui du type de haies et de leur hauteur. Seront retenues les haies supérieures et de type « arborescent ». Les haies hautes boisées sont ainsi localisées. Souvent constituées de trois strates (herbacée, arbustive et arborescente), elles sont considérées comme les plus riches en termes de richesse spécifique, et les plus intéressantes d’un point de vue écologique.
Toutes les haies peuvent être considérées comme des éléments du paysage, cependant ne sont retenues que « les haies bordant les voiries » (routes, chemins ruraux et chemins inscrits au PDIPR5) et les haies bordant une parcelle bâtie d’habitation, de siège d’exploitation, d’usine…
Quant aux haies à fonction anti-érosive, qui ont un rôle de tampon hydraulique dans les phénomènes de ruissellement, en particulier dans les secteurs de cultures, mais aussi en limite de plateau/versant, elles sont localisées en fonction de leur orientation et sur des pentes de plus de 7 %, en tenant compte de l’occupation des sols.
Des résultats encourageants
Après avoir expérimenté la méthode, répondu aux attentes des élus pour identifier un maillage bocager, adapté la démarche de concertation avec la profession agricole… les résultats témoignent de l’adéquation de l’action avec les attentes locales. Ainsi depuis 1998, sur vingt-huit communes ayant mis en œuvre l’élaboration ou la révision de leur Plu, vingt-sept se sont engagées dans une démarche de protection concertée du bocage. Douze ont aujourd’hui un Plu opposable aux tiers, qui soumet à autorisation d’arrachage près de 700 km de haies sur leur territoire.

1. Soit 1,4 million de kilomètres (source Solagro).
2. Comme le stipule la Convention européenne du paysage.
3. Mesures locales agri-environnement ; Contrats territoriaux d’exploitation ; Contrats d’agriculture durable.
4. Loi Solidarité et renouvellement urbain du 13/12/2000.
5. Plan départemental des itinéraires de promenades et de randonnées.